« Lilium inter spinas » (le Lys entre les épines), allégorie biblique de la Vierge Marie, et symbole de la Conception immaculée de Marie. Bouquet réalisé par Denise-Jeanne Rolland.
Immaculée Conception est un terme qui désigne la sainteté de la Vierge Marie, dès sa conception. Cette conception immaculée, c’est-à-dire sans tache, non marquée par le péché originel, est l'un des quatre dogmes que l’Église catholique a élaborés à propos de la Vierge Marie : il était en effet dans le dessein divin que Marie fût préservée du péché originel, toute pure, pour pouvoir devenir la Mère de Jésus, le Fils de Dieu, notre Sauveur.
En vue de l’Incarnation de Son Fils, qui vient épouser la condition humaine afin de nous sauver, Dieu a choisi le sein d'une Vierge. En effet, il convenait que la Vierge Marie, qui allait devenir le « temple vivant » d’un tel Fils et lui donner sa propre chair, fût immaculée, c'est-à-dire exemptée de la tache originelle et de toute trace de péché. Ce privilège la rendait « pleine de grâce », comme le dit l’Ange Gabriel lors de l’Annonciation. Celle qui fut choisie pour écraser la tête du serpent devait nécessairement être exempte de toute trace de péché : en effet, il ne convenait pas que le Rédempteur parfait eût une Mère portant la trace du péché. La raison suprême de ce privilège est donc la maternité divine.
La Vierge Marie fut ainsi rachetée par son divin Fils. L’Église dit qu’à l’instant où Marie fut conçue, elle a reçu la vie divine de la grâce. La Vierge Marie n’a donc pas été libérée du péché, mais préservée du péché, qui depuis la désobéissance d'Adam et Ève atteint tous les humains. Ce privilège extraordinaire ne veut cependant pas dire que l'union d'Anne et de Joachim, parents de la Vierge, ait eu quoi que ce soit de miraculeux pour lui donner la vie à Marie. Cette sainteté de Marie suscite notre vénération. Dogme de l’Immaculée Conception et développement dogmatique
Le dogme de l’Immaculée Conception est une merveilleuse illustration de ce que l’Église nomme le « développement dogmatique ». Comme le dit le saint théologien et cardinal John Henry Newman dans son discours d’Oxford,
« Le développement des dogmes essentiels ne consiste pas dans l'acquisition de vérités nouvelles, distinctes les unes des autres, mais dans la connaissance de plus en plus approfondie du seul et même objet réel de la foi ».
Le dogme marial de l’Immaculée Conception n’a été promulgué officiellement que le 8 décembre 1854, mais il s’était élaboré dans la tradition depuis des siècles, dans la piété populaire et avec les méditations des Pères de l'Église , des théologiens orientaux et occidentaux et des saints. Or, quatre ans après cette promulgation, en 1858, la Vierge Marie est apparue à Lourdes et s’est révélée à sainte Bernadette comme L’Immaculée Conception. Le vénérable pape Pie XII, relisant l’événement cents ans plus tard, dans son encyclique Le Pèlerinage de Lourdes , a parlé de cette apparition de Lourdes comme d’une « confirmation céleste » de la promulgation du dogme par Pie IX. On voit bien par cet exemple comme le développement dogmatique s’intègre dans une Révélation progressive, sous l'action de l'Esprit Saint, et le rôle que la Vierge Marie y joue.
le dogme de l'Immaculée Conception fut proclamé le 8 décembre 1854, dans la bulle "Ineffabilis Deus ", par le bienheureux pape Pie IX. Dans ce texte, il est dit :
« ... Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine, qui tient que la bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel, est une doctrine révélée de Dieu, et qu'ainsi elle doit être crue fermement et constamment par tous les fidèles.
C'est pourquoi, s'il en était, ce qu'à Dieu ne plaise, qui eussent la présomption d'avoir des sentiments contraires à ce que nous venons de définir, qu'ils sachent très clairement qu'ils se condamnent eux-mêmes par leur propre jugement, qu'ils ont fait naufrage dans la foi et se sont séparés de l'unité de l'Eglise, et que, de plus, par le même fait, ils encourent les peines portées par le droit s'ils osent manifester par parole, par écrit ou par quelque signe extérieur, ce qu'ils pensent intérieurement... »
Cependant, le dogme s’est élaboré bien avant cette proclamation: cette doctrine est enracinée d’abord dans des sources bibliques, notamment dans la Genèse et dans l’Apocalypse.
L’intuition de la conception immaculée de Marie se trouve ensuite, dans la longue histoire spirituelle de l'Église, chez les premiers Pères, qui méditent sur la sainteté de Marie : c’est ainsi que saint Justin (+ vers 165), saint Irénée , docteur de l'Église (+ vers 202), l'antipape saint Hippolyte(+ 235) ou Grégoire le Thamaturge (+ vers 270) ont vénéré en la Sainte Vierge Marie la Nouvelle Ève, celle qui, par son obéissance, a permis que le nœud de la désobéissance qu’avait formé Ève fût dénoué.
Plus tard, au IVès, st Ephrem reprend cette antithèse entre d’une part Ève et Adam et de l’autre Marie, nouvelle Ève et Jésus Nouvel Adam, affirmant que la Vierge Marie a été purifiée par l’Esprit Saint. Saint Augustin , Docteur de l'Église, confirma la sainteté parfaite de Marie et l'absence en elle de tout péché personnel au motif de la dignité sublime de Mère du Seigneur. Cependant il ne réussit pas à saisir comment l'affirmation d'une absence totale de péché au moment de la conception pouvait être conciliée avec la doctrine de l'universalité du péché originel et de la nécessité de la rédemption pour tous les descendants d'Adam. Par la suite, l'intelligence de plus en plus pénétrante de la foi de l'Église, clarifia comment Marie a bénéficié de la grâce rédemptrice du Christ depuis sa conception.
À partir du haut Moyen Age, cette doctrine continua de s'élaborer, notamment dans le creuset de la scolastique, avec des disputes passionnées autour de la question de cette conception immaculée de Marie.
La doctrine de l'Immaculée Conception continue de s’élaborer lentement entre le IXè et le XIIIè siècle, d’abord dans l’Église anglaise : saint Anselme de Cantorbéry, puis St Eadmer de Cantorbery en sont les représentants les plus illustres. En France, saint Fulbert de Chartres a longuement médité sur l’extraordinaire pureté de la Vierge Marie, et, au XIIès, le grand st Bernard de Clairvaux docteur marial exalte cette pureté, et parle de sanctification de la Vierge Marie dans le sein maternel, mais sans adhérer à l’idée d’une conception immaculée; en Allemagne, sainte Hildegarde de Bingen a composé de nombreuse hymnes mariales dans lesquelles elle reprend l’antithèse Ève et Marie, Nouvelle Ève.
Cependant, c’est le bienheureux Jean Duns Scot , surnommé « docteur de l’Immaculée », qui, s’inscrivant dans l’école franciscaine , fut le premier défenseur du dogme de l’Immaculée Conception : il affirma en effet qu’en tant que Mère de Dieu, Marie ne peut être entachée du péché originel. Comme le dit le pape Jean-Paul II :
« Il [Duns Scot] soutint que le Christ, le parfait médiateur, a exercé vraiment en Marie l'acte de médiation plus sublime, en la préservant du péché originel.
De cette manière, il introduisit dans la théologie l'idée de rédemption préservatrice selon laquelle Marie a encore été rachetée de manière plus admirable: non pas par la voie de la libération du péché, mais par la voie de la préservation du péché. »
La doctrine de l'Immaculée Conception se développa également avec l'apport d'autres saints et de théologiens.
Le théologien byzantin Théophane de Nysse (†1381)défendit l’idée que la conception immaculée de Marie est survenue avec «la synergie de l'Esprit», car, depuis le début, Marie était unie à l'Esprit ; Bossuet, au XVIIès, était un fervent défenseur de l’Immaculée Conception, et le cardinal Newman, au XIXès, déduisit de l’affirmation de l’Église primitive que Marie est la seconde Ève celle de la doctrine de l’Immaculée Conception et ouvrit un dialogue œcuménique avec les Protestants à ce sujet. Saint Maximilien Kolbe relia la maternité et l'Immaculée conception, affirmant une intériorité de l'Esprit dans la vie et dans la personnalité de Marie telle que Marie est une quasi-incarnation de l'Esprit
La Vierge Marie elle-même, 24 ans avant que le dogme ne soit défini, a demandé, en 1830, la frappe de la Médaille Miraculeuse avec la mention : "O Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous ".
C’est le 8 décembre 1854 que le dogme de l’Immaculée Conception fut officiellement promulgué par Pie IX, dans la Bulle "Ineffabilis Deus". Dans ce texte, Pie IX nous explique que ce dogme n’est pas d'abord un acte juridique de définition, mais un émerveillement. La bulle Ineffabilis expose ensuite les fondements de ce dogme : la Bible et la tradition, s’émerveille de trouver à la fois dans les allégories bibliques poétiques et dans les raisonnements des Pères une alliance entre Beauté et raison, donne une définition de ce dogme. De cette certitude naissent joie et espérance de l’Église .
Le Père Jean-Marie Hennaux, sj, a parlé d’une une « auto-révélation » de la Vierge Marie lors des apparitions de Lourdes. Ce fait fut d’ailleurs interprété par le pape Pie XII, dans son encyclique Le Pèlerinage de Lourdes du 1er mars 1958, commémorant le centenaire des apparitions, comme une sorte de « confirmation céleste ».
« Il semble que la Bienheureuse Vierge Marie elle-même ait voulu en quelque sorte confirmer par un prodige la sentence que le Vicaire sur terre de son divin Fils avait prononcée […]. Certes la parole infaillible du Pontife romain, interprète authentique de la vérité révélée, n’avait besoin d’aucune confirmation céleste pour s’imposer à la foi des croyants. Mais avec quelle émotion et quelle gratitude le peuple chrétien et ses pasteurs ne recueillent-ils pas des lèvres de Bernadette cette réponse venue du Ciel : «_Je suis l’Immaculée Conception» ! »
À ce sujet, le pape Pie XII ajoutait, dans l’encyclique Fulgens Corona de 1953 :
« Cela fut bien interprété par les fidèles, qui de toutes les nations, et en nombre presque innombrable, affluèrent en pèlerinage à la grotte de Lourdes, éveillèrent leur Foi, enflammèrent leur dévotion et s'efforcèrent de conformer leur vie au précepte chrétien. Là aussi des faveurs miraculeuses leur furent accordées, ce qui excita l'admiration de tous, et confirma que la religion catholique est la seule agréée par Dieu ».
Depuis la proclamation du dogme, les différents papes ont développé cette doctrine de l’Immaculée Conception : saint Pie X, dans l'encyclique Ad diem illum laetissimum (1904), Pie XII, dans l'encyclique Fulgens corona (1953), dans laquelle il réaffirme la beauté de l’Immaculée, et montre que ce dogme ouvre ainsi à la théologie « la voie de la beauté » (via pulchritudinis) ; le concile Vatican II (Lumen Gentium) a souligné que la Vierge Marie appartient à la famille humaine pécheresse mais cela d'une manière pure, immaculée. Elle n'est pas séparée mais elle est insérée d'une manière dynamique dans l'histoire humaine qui chemine vers son accomplissement ; Paul VI, notamment dans l'exhortation apostolique Marialis Cultus , montre que le dogme de l'Immaculée Conception ouvre un avenir de grâce et de mission ; saint Jean-Paul II a également contribué à ce développement, notamment dans l'encyclique Redemptoris Mater et dans ses cinq catéchèses sur l'Immaculée (avec l'intéressante perspective de la voie de la beauté et de la création nouvelle). Il insistait notamment sur le lien qui existe entre la victoire du Christ et de la Vierge Marie et celle de l’humanité :
« En prévision de la mort salvifique [du Christ], Marie, sa Mère, a été préservée du péché originel et de tout autre péché. Dans la victoire du Nouvel Adam, il y aussi celle de la Nouvelle Ève, la Mère des rachetés. L’Immaculée est ainsi un signe d’espérance pour tous les vivants qui ont vaincu Satan par le sang de l’Agneau » (homélie du 8 décembre 2004).
La mission de Marie fut décrite finalement comme une participation au dynamisme des missions des personnes divines.
L’Église enseigne que l’Immaculée combat le péché et lutte contre le mal, Elle en qui Satan ne trouve rien qui lui appartienne, et cela est manifeste et confirmé dans les exorcismes.
Le Cœur immaculé de Marie a été révélé et invoqué dans les différentes apparitions : celle de la rue du bac , en 1830, celle de Lourdes , en 1858, mais aussi celle de Fatima, en 1917, de Beauraing, en 1932, de l’Ile Bouchard, en 1947, etc.
Il a fallu attendre le XVès pour que le pape Sixte IV, franciscain, autorise la messe du 8 décembre célébrant l'Immaculée Conception, composée par Léonard Nogarole en 1477. Dans le rite catholique, on fête l’Immaculée le 8 décembre. Dans le rite maronite, l’Immaculée Conception est également fêtée le 8 décembre, et, dans le rite copte , on fête la Conception de Marie le 13 août (7 misrî). La liturgie byzantine, elle, fête la Conception de sainte Anne le 9 décembre.
Pour se préparer à la fête de l’Immaculée Conception, il est possible de prier la neuvaine de l’Immaculée Conception, que l’on débute le 30 novembre. Le 8 décembre, on peut fêter l’heure de grâce, entre midi et une heure, comme cela a été demandé par la Vierge Marie à Montichiari.
La représentation de l’Immaculée est traitée de façon différente en Orient et en Occident. Pour évoquer la conception de la Toute Immaculée, les Églises d'Orient écrivent des icônes de la rencontre d'Anne et Joachim, ou de la Nativité de Marie.En Occident, l'Immaculée Conception est d'abord représentée par la rencontre d'Anne et Joachim, puis elle trouve peu à peu des formes nouvelles, parfois en convertissant des iconographies religieuses préexistantes. L'approbation, en l'an 1476, par le pape Sixte IV, de l'office liturgique de l'Immaculée Conception, va offrir aux artistes une impulsion pour traiter ce thème iconographique, et inventer des types iconographiques nouveaux pour figurer le privilège marial, par exemple en reprenant les thèmes favoris des Pères de l’Église. Ainsi, par exemple, au début du XVIè siècle, apparaît un nouveau type iconographique : en référence au Livre de la Genèse (Gen. 3), et en reprenant la tradition de Marie « Nouvelle Ève », Luca Signorelli nous présente l'Immaculée Conception clairement désignée dans sa mission rédemptrice du péché originel. Sous la Vierge est ainsi représentée la scène du péché originel, tandis qu’à ses pieds se trouvent les prophètes (David, Salomon, Ezéchiel, Isaïe, Balaam, et Aaron).Elle est enceinte, conformément à la représentation de la Femme de l’Apocalypse.
Luca Signorelli. L’Immaculée Conception V.1523. Francesco Signorelli, Public domain, via Wikimedia Commons.
Une autre représentation originale est celle de la Dispute sur l’Immaculée Conception, avec les Pères et docteurs de l’Église. Ce thème témoigne de la lente et difficile élaboration du dogme dans l’Église. On le rencontre chez des artistes tels que Piero di Cosimo, Dosso Dossi, Giovanni Antonio de Sacchis, Carlo Portelli ou Girolamo Genga, et au XVIIès avec Carlo Maratti, Guido Reni, etc.
Piero di Cosimo, Dispute sur l’Immaculée Conception, 1480.Public domain, via Wikimedia Commons
Il est possible de relier d’autres motifs iconographiques à la représentation du privilège marial : reprenant le verset du Cantique des cantiques « tota pulchra es, amica mea e macula non est in te »», et pour insister sur la pureté de la Vierge Marie, les attributs symboliques des litanies ou des emblèmes bibliques, notamment le miroir sans tache, peuvent être utilisés dans cette optique, surtout lorsque Dieu le Père est représenté.
Vierge entourée des symboles de ses litanies dans l'église Notre-Dame de Bar-le-Duc (xvie siècle). GFreihalter, CC BY-SA 3.0
Aux XVIès et au XVIIès, alors que le zèle des Espagnols, et en particulier des Sévillans en faveur de l’Immaculada atteint son apogée, la pureté de la Vierge Marie va être exaltée grâce aux peintres Zurbarán et Murillo, ainsi que Cornelis Schut III, qui consacrèrent une grande partie de leur art à représenter la Vierge de l’Immaculée Conception.
Zurbarán. L’Immaculée Conception, 1661. Francisco de Zurbarán, Public domain, via Wikimedia Commons.
Le vêtement de la Vierge Marie est alors également significatif : il se compose d’une robe blanche (symbole de pureté) et d'un manteau bleu nuit (symbole d'éternité), conformément aux couleurs décrites par sainte Beatriz da Silva (1492), gratifiée d’apparitions mariales. Ce sont d’ailleurs les couleurs que décrira ste Bernadette de Lourdes, et qui seront adoptées dans l’iconographie mariale.