[C'est l'hiver et le temps anniversaire de Noël. Alors que Jésus a congédié tous ses apôtres, Jean veut accompagner secrètement Jésus qui se rend à Bethléem pour y prier dans la grotte de la Nativité. Et Jean s'installe discrètement dans une grotte voisine. Les bergers les surprennent et déposent des vivres devant la grotte de Jésus, mais Jésus jeûne. Au bout de deux jours, Jean sort de sa cachette chancelant de fatigue, et il rejoint Jésus.]
- "Oh ! mon Seigneur ! J'ai faim ! Il y a presque deux jours que je ne mange rien. J'ai faim et froid..." et il claque des dents, très pâle.
- "Viens ! Viens à l'intérieur !" dit Jésus en l'aidant à se relever.
L'apôtre, soutenu par le bras de Jésus, pleure, la tête penchée sur son épaule et soupire : "Ne me punis pas, Seigneur, si je t'ai désobéi..."
Jésus lui répond en souriant : "Tu es déjà puni. Tu es comme quelqu'un qui expire... Assieds-toi ici sur cette pierre. Maintenant je vais faire du feu et te donner à manger..." et Jésus allume des petites branches et fait une belle flambée dans le rustique foyer près de la porte. L'odeur des branches brûlées et la gaieté des flammes se répandent dans la misérable caverne. Jésus enfile sur une brindille les morceaux de pain, les présente à la flamme et quand il voit qu'ils sont chauds, les couvre du cœur gras des fromages laissés par les bergers, et le fromage revient et file sur le pain que maintenant Jésus tient au-dessus de la flamme comme si c'était un plat.
[...] [Jean se sent coupable et Jésus explique : ]
- J'ai dit : "Ne vous séparez pas". Tu t'es séparé et par conséquent tu aurais péché. Mais auparavant j'avais dit : "Soyez unis de corps et d'esprit, soumis à Pierre". Par ces paroles, je l'ai choisi comme mon légitime représentant parmi vous, avec pleine faculté de juger et de vous commander. Par conséquent, ce que Pierre a fait ou fera en mon absence sera bien fait. Parce que Moi, l'ayant investi du pouvoir de vous conduire, l'Esprit du Seigneur qui est en Moi sera aussi avec lui, et le guidera pour donner les ordres que les circonstances imposent et que la Sagesse suggérera à l'Apôtre chef, pour le bien de tous. Si Pierre t'avait dit : "N'y va pas" et si tu étais quand même venu, le bon mouvement de ton acte : la volonté de me suivre par amour qui veut me défendre et être avec Moi dans les dangers, n'aurait pas été suffisante pour annuler ta faute. Il aurait vraiment fallu mon pardon. Mais Pierre, ton Chef, t'a dit : "Va". L'obéissance envers lui te justifie complètement. En es-tu persuadé ?"
- "Oui, Maître."
- "Dois-je t'absoudre de la faute de présomption ? Dis-moi, sans te demander si je vois ton cœur. As-tu présumé orgueilleusement de vouloir m'imiter pour pouvoir dire : "Par ma volonté, j'ai aboli les nécessités de la chair, parce que je peux ce que je veux" ? Réfléchis bien..."
- Jean réfléchit, puis il dit : "Non, Seigneur. En m'examinant bien, non, je ne l'ai pas fait pour cela. J'espérais pouvoir le faire parce que j'ai compris que la pénitence est une souffrance pour la chair mais une lumière pour l'esprit. J'ai compris que c'est un moyen pour fortifier notre faiblesse et obtenir tant de Dieu. Tu le fais pour cela, et moi, c'est pour cela que je voulais le faire. Et je crois ne pas me tromper en disant que si tu le fais, Toi qui es fort, qui es puissant, saint, moi, nous, nous devrions le faire toujours, s'il était toujours possible de le faire, pour être moins faibles et moins matériels. Mais je n'ai pas pu le faire. J'ai toujours faim, moi, et grande envie de dormir..." et ses larmes recommencent à couler lentement, humblement, véritable aveu des limites des capacités de l'homme.
- "Eh bien, cette petite misère de la chair, crois-tu qu'elle a été inutile ? Oh ! comme tu t'en souviendras dans l'avenir, quand tu seras tenté d'être sévère et exigeant avec tes disciples et tes fidèles ! Elle te reviendra à la pensée pour te dire : "Souviens-toi que toi aussi tu as cédé à la fatigue, à la faim. Ne veuille pas que les autres soient plus forts que toi. Sois un père pour tes fidèles comme ton Maître a été un Père pour toi, ce matin-là". Tu aurais très bien pu veiller et ne pas sentir ensuite cette grande faim. Mais le Seigneur a permis que tu sois soumis à ces besoins de la chair pour te rendre humble, toujours plus humble, et toujours plus rempli de compassion pour tes semblables.
[Peu après, Jean et Jésus cheminent ensemble au voisinage de la Mer Morte ; après avoir paisiblement parlé de la guérison d'un enfant ou d'autres sujets joyeux, Jésus évoque l'avenir tragique et Jean réagit, inquiet :]
- "Seigneur, tu vas mourir ? Tu parles comme quelqu'un qui va mourir ! Tu m'affliges..."
- "Je vous l'ai dit plusieurs fois que je dois mourir. C'est comme si je parlais à des enfants distraits ou qui n'arrivent pas à comprendre. Oui, je vais à la mort. Je le dirai aussi aux autres, mais plus tard. À toi, je le dis maintenant. Souviens-t-en, Jean."
- "Je m'efforce de me rappeler tes paroles, toujours... Mais celle-là est si douloureuse..."
- "Que tu fais tout ce que tu peux, pour l'oublier, veux-tu dire ? Pauvre enfant ! Ce n'est pas toi qui oublies, toi qui te rappelles. Ce n'est pas toi par ta volonté. C'est ton humanité même qui ne peut se rappeler cette chose trop grande pour qu'elle puisse la supporter, la chose trop grande, et tu ne sais même pas complètement combien elle sera grande, monstrueuse, la chose trop grande qui t'étourdit comme une masse tombée de haut sur ta tête. Et pourtant, c'est ainsi. Bientôt désormais je vais aller à la mort et ma Mère restera seule. Je mourrai avec une goutte de douceur, dans mon océan de douleur, si je vois en toi un "fils" pour ma Mère..."
- "Oh ! mon Seigneur ! Si je suis capable... s'il ne m'arrive pas comme à Bethléem, oui, je le ferai. Je veillerai avec un cœur de fils. Mais que pourrai-je lui donner qui la console si elle te perd Toi ? Que pourrai-je lui donner si moi aussi je suis comme quelqu'un qui a tout perdu, que la douleur abruti ? Comme ferai-je, moi qui n'ai pas su veiller et souffrir maintenant, dans le calme, pendant une nuit et pour un peu de faim ? Comment ferai-je ?"
- "Ne t'agite pas. Prie beaucoup en ce temps-ci. Je te garderai beaucoup avec Moi et avec ma Mère. Jean tu es notre paix, et tu le seras encore alors. Ne crains pas, Jean. Ton amour fera tout."
- "Oh ! oui, Seigneur ! Garde-moi beaucoup avec Toi. Moi, tu le sais, je ne tiens pas à paraître, à faire des miracles, je veux, et je sais, seulement aimer..."
Jésus dépose encore un baiser sur son front vers les tempes, comme dans la grotte...
Maria Valtorta, Poème de l'Homme-Dieu (= l'Evangile tel qu'il m'a été révélé), tome VII, chapitres 236 et 237. https://www.maria-valtorta.org
N.B. La publication en est autorisée à condition de préciser que c'est une œuvre littéraire de Maria Valtorta, et non un nouvel Evangile.