Joseph désigné comme époux (Maria Valtorta)

Joseph désigné comme époux (Maria Valtorta)

Maria VALTORTA (1897-1961) a donné à l'Eglise des cahiers publiés sous le titre "L'Evangile tel qu'il m'a été révélé". La publication en est autorisée à condition de préciser que c'est une œuvre littéraire de Maria Valtorta, et non un nouvel Evangile.(1)

Je vois une riche salle, bien parée, avec des tentures, des tapis et des meubles de marqueterie. Il s'y trouve des prêtres et, parmi eux Zacharie et beaucoup d'hommes de tout âge de vingt à cinquante ans plus ou moins. Ils parlent entre eux doucement, mais la conversation est animée. Ils paraissent inquiets. Tous sont en habit de fête.

Dans un coin, je vois Joseph. Il parle avec un vieillard bien portant. Joseph est sur les trente ans. Un bel homme aux cheveux courts et plutôt épais, d'un brun châtain comme la barbe et les moustaches qui ombragent un beau menton et montent vers les joues brun rouge. Il a les yeux sombres, bons et profonds, très sérieux, je dirais presque un peu tristes. Mais pourtant quand il sourit, comme à présent, ils expriment la joie et la jeunesse. Il est entièrement vêtu de marron clair, tenue simple mais très correcte.

Un groupe de jeunes lévites entre. La curiosité du public s'aiguise et plus encore quand une main écarte le rideau de la porte pour donner passage à un lévite qui porte dans ses bras un faisceau de branches sèches sur lequel est posé délicatement un rameau fleuri. De légers flocons de pétales blancs à peine teintées d'une nuance rose.

Le lévite dépose le faisceau de branches sur la table avec de délicates précautions pour ne pas abîmer ce rameau miraculeusement fleuri au milieu de tant de branches sèches. Un bruit se répand dans la salle. Les cous s'allongent, Zacharie lui-même, avec les prêtres plus proches de la table cherche à voir, mais il ne voit rien.

Joseph dans son coin donne à peine un coup d'œil au faisceau de branches et quand son interlocuteur lui dit quelque chose, il fait un signe qui veut dire : « Impossible ! » et il sourit.

Un son de trompette derrière le rideau. Silence complet, et tous se rangent en bel ordre. Entouré d'autres anciens le Grand Prêtre fait son entrée. Tous s'inclinent profondément.

Un rayon de lumière est descendu comme un soleil de printemps et a donné vie à un rameau sec

Le Pontife va au- près de la table et parle tout en restant debout :

« Hommes de la race de David, qui êtes venus à mon appel, écoutez. Le Seigneur a parlé, louange à Lui ! De sa Gloire un rayon de lumière est descendu comme un soleil de printemps et a donné vie à un rameau sec. Il a fleuri miraculeusement, alors qu'aucun rameau sur la terre n'est fleuri en ce moment, dernier jour de l'Encénie, bien que la neige tombée ne soit pas encore disparue sur les hauteurs de Juda. C'est l'unique blancheur entre Sion et Béthanie.

Dieu a parlé en se faisant père et tuteur de la Vierge de David qui n'a que Lui comme seule protection. enfant, gloire du Temple et de sa race, elle a mérité que la parole de Dieu lui fasse connaître le nom de l'époux agréable à l'Eternel.

Vraiment juste doit être celui-là, l'Elu du Seigneur pour être le tuteur de la Vierge qui lui est si chère ! Aussi notre peine de la perdre s'apaise et nous n'avons plus de préoccupations sur son destin d'épouse.

A celui que Dieu a désigné nous confions en toute sécurité la Vierge sur laquelle repose la bénédiction de Dieu et la nôtre.

Le nom de l'époux est Joseph de Jacob, de Bethléem de la tribu de David, charpentier à Nazareth de Galilée. Joseph, avance. C'est le Grand Prêtre, qui te l'ordonne. »

Joseph tout rouge et gêné s'avance. Il est maintenant devant la table en face du Pontife qu'il a salué respectueusement.

« Venez tous et regardez le nom inscrit sur le rameau, que chacun prenne sa propre branche pour s'assurer qu'il n'y a pas de fraude. »

Les hommes obéissent. Ils regardent le rameau délicatement tenu par le Grand Prêtre, chacun prend le sien. Les uns le brisent, d'autres le gardent. Tous regardent Joseph. Certains le regardent en silence, d'autres le félicitent. Le petit vieux avec lequel il parlait au début de la séance lui dit :

« Je te l'avais dit, Joseph. C'est celui qui se sent le moins assuré qui gagne la partie. »

"Voici l'époux que Dieu te destine"

Maintenant tous ont défilé. Le Grand Prêtre donne à Joseph le rameau fleuri et puis lui met la main sur l'épaule en disant :

« Elle n'est pas riche, et tu le sais, l'épouse que Dieu te donne. Mais en elle est toute vertu. Sois-en toujours plus digne. Il n'y a pas une fleur aussi belle et pure comme elle en Israël.

Sortez tous maintenant. Joseph reste. Et toi, Zacharie, son parent, amène l'épouse. »

Tous sortent sauf le Grand Prêtre et Joseph. On fait retomber le rideau sur la porte. Joseph se tient humblement près du Prêtre majestueux. Un silence, et puis il lui dit :

« Marie doit te dire le vœu qu'elle a fait. Aide sa timidité. Sois bon, avec elle si bonne.»

« Je mettrai à son service toutes mes forces, et pour elle aucun sacrifice ne me pèsera. Sois-en assuré. »

Marie entre avec Zacharie et Anne de Phanuel.

« Viens, Marie »

dit le Pontife.

« Voici l'époux que Dieu te destine. C'est Joseph de Nazareth. Tu retourneras donc dans ta cité. Maintenant je vous laisse. Dieu vous donne sa bénédiction, que le Seigneur vous garde et vous bénisse, qu'Il vous montre sa face et ait pitié de vous, toujours. Qu'Il tourne vers vous son visage et vous donne la paix. »

Zacharie sort pour accompagner le Pontife. Anne se félicite avec l'époux et sort elle aussi. Les deux fiancés sont en face l'un de l'autre. Marie, toute rouge, a la tête inclinée.

Joseph, un peu rouge aussi, l'observe et cherche les paroles à lui dire pour commencer. Il les trouve finalement et un sourire éclaire son visage. Il dit :

« Je te salue Marie. Je t'ai vue toute petite alors que tu avais quelques jours... J'étais l'ami de ton père et j'ai un petit-fils de mon frère Alphée qui aimait tant ta mère. C'était pour elle un petit ami, car il n'a que dix huit ans et quand tu n'étais pas encore née, c'était un tout petit homme et il réjouissait la tristesse de ta mère qui l'aimait tendrement.

Et moi, je me rappelle le soir de ta naissance...

Tu ne nous connais pas parce que tu es venue ici toute petite. Mais à Nazareth, tout le monde t'aime bien et parle de la petite Marie de Joachim dont la naissance fut un miracle du Seigneur qui fit refleurir la stérile...

Et moi, je me rappelle le soir de ta naissance... Tout le monde s'en souvient à cause du prodige d'une forte pluie qui sauva les récoltes et d'un violent orage dans lequel les coups de foudre ne brisèrent pas même un brin de bruyère sauvage et qui se termina par un arc-en-ciel le plus grand et plus beau qu'on n'ait jamais vus. Et puis... qui ne se rappelle la joie de Joachim ?

Il te balançait en te montrant aux voisins... comme si tu avais été une fleur venue du Ciel, il t'admirait et voulait communiquer à tous son admiration. Heureux et vieux père, qui mourut en parlant de sa Marie, si belle et si bonne et dont les paroles étaient pleines de grâce et de sagesse...

Il avait raison de t'admirer et de dire qu'il n'y a pas une plus belle que toi ! Et ta mère ? Elle remplissait de son chant le coin où est ta maison. On aurait dit une alouette au printemps quand elle te portait et après quand elle t'allaitait.

C'est moi qui ai fait ton berceau, un petit berceau orné de roses sculptées comme le voulait ta mère. Peut-être est-il encore dans votre demeure fermée...

Je suis âgé, moi, Marie. Quand tu es née, je faisais mon apprentissage. Je travaillais déjà... Qui m'aurait dit que je t'aurais eue pour épouse ! Peut-être la mort des tiens aurait été plus heureuse parce que nous étions amis. J'ai enseveli ton père, le pleurant d'un cœur sincère car il avait été un bon maître pour ma vie. »

« Merci, Joseph. »

Marie redresse doucement, doucement le visage, de plus en plus rassurée en entendant Joseph lui parler ainsi. Quand il parle du berceau elle esquisse un sourire et quand Joseph lui parle de son père, elle lui tend la main et lui dit :

« Merci, Joseph. »

Un « merci » timide et plein de douceur. Joseph prend entre ses mains courtes et robustes de charpentier la petite main de jasmin et la caresse avec une affection qui ne cesse de tâcher à la rassurer.

Peut-être attend-il d'autres paroles, mais Marie se tait de nouveau. Alors il reprend :

« La maison, tu le sais, est intacte, sauf la partie qui a été abattue par ordre du Consul pour transformer le sentier en une route pour les fourgons de Rome. Mais les champs, ce qui t'en est resté parce que tu sais... la maladie de ton père a coûté une grande partie de tes biens, sont un peu négligés.

Il y a plus de trois printemps que les arbres et les vignes n'ont pas vu le sécateur du jardinier et la terre est inculte et dure. Mais les arbres qui t'ont vue toute petite sont encore là et, si tu le permets, je m'en occuperai de suite. »

« Merci, Joseph. Mais tu as déjà ton travail... »

« Je travaillerai à ton jardin les premières et les dernières heures du jour. En ce moment les jours allongent. Pour le printemps, je veux que tout soit en ordre pour te faire plaisir. Regarde, c'est un rameau de l'amandier qui touche la maison. J'ai voulu le cueillir... - on entre de tous côtés par la haie éventrée mais je vais la refaire solide et bien fournie - j'ai voulu cueillir ce rameau dans le cas où le choix serait tombé sur moi - mais je ne l'espérais pas parce que je suis naziréen et j'ai obéi à la convocation parce qu'elle émanait du Prêtre, non par désir du mariage - je l'ai donc cueilli, disais-je, en pensant que tu serais contente d'avoir une fleur de ton jardin. Le voilà, Marie.

Avec lui je te donne mon cœur qui jusqu'à présent n'a fleuri que pour le Seigneur et maintenant fleurit pour toi, mon épouse. »

"Moi aussi, j'unirai mon sacrifice au tien..."

Marie prend le rameau. Elle est émue et regarde Joseph d'un air plus rassuré et radieux. Elle se sent sûre de lui, quand ensuite il lui dit : « Je suis naziréen » son visage devient tout lumineux et elle prend courage.

« Moi aussi, j'appartiens toute à Dieu, Joseph. Je ne sais si le Grand Prêtre te l'a dit... »

« Il m'a dit seulement que tu es bonne et pure et que tu dois me faire connaître un vœu que tu as fait, et d'être bon avec toi. Parle, Marie. Ton Joseph veut te rendre heureuse en tous tes désirs. Je ne t'aime pas selon la chair. Je t'aime selon mon esprit, enfant que Dieu me donne ! Vois en moi un père et un frère, pas seulement un époux. Confie-toi à moi comme à un père, aie confiance comme en un frère. »

« Toute enfant, je me suis consacrée au Seigneur. Je sais que cela ne se fait pas en Israël, mais j'ai entendu une voix qui me demandait ma virginité en sacrifice d'amour pour l'avènement du Messie. Il y a si longtemps qu'Israël l'attend. Ce n'est pas trop de renoncer pour cela à la joie d'être mère !... »

Joseph la regarde fixement comme s'il voulait lire au fond de son cœur et puis, prenant les deux petites mains qui tiennent encore entre leurs doigts le rameau fleuri il lui dit :

« Moi aussi, j'unirai mon sacrifice au tien et par notre chasteté nous témoignerons tant d'amour à l'Eternel, tant d'amour que Lui donnera plus tôt le Sauveur à toute la terre, nous permettant de voir sa Lumière illuminer le monde.

Viens, Marie. Allons devant sa Maison et jurons de nous aimer comme les anges s'aiment entre eux. Puis, j'irai à Nazareth préparer tout pour toi, dans ta maison si tu préfères ou ailleurs si tu veux. »

« Dans ma maison... Il y avait une grotte, au fond... y est-elle encore ? »

« Elle y est toujours, mais elle ne t'appartient plus... Mais je t'en ferai une tranquille et fraîche où tu pourras te retirer pendant les heures les plus chaudes de la journée. Je la ferai aussi grande. Et puis, dis-moi, qui veux-tu pour te tenir compagnie ? »

« Personne. Je n'ai pas peur. La mère d'Alphée qui vient toujours me voir me tiendra un peu compagnie le jour. La nuit, je préfère être seule. Aucun mal ne peut m'arriver. »

« Et puis, maintenant j'y suis moi... Quand dois-je venir te prendre ? »

« Quand tu veux, Joseph. »

« Alors je viendrai dès que la maison sera bien rangée. Je ne dérangerai rien. Je veux que tu la trouves comme ta mère l'a laissée. Mais je la veux toute ensoleillée et très propre pour qu'elle t'accueille sans tristesse. Viens Marie, allons dire au Très-Haut que nous le bénissions."


(1) « Valtorta », dans : René Laurentin et Patrick Sbalchiero, Dictionnaire encyclopédique des apparitions de la Vierge. Inventaire des origines à nos jours. Méthodologie, prosopopée, approche interdisciplinaire, Fayard, Paris 2007.

Maria Valtorta

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