La naissance de Marie (Maria Valtorta)

La naissance de Marie, rapportée par une mystique

Maria VALTORTA (1897-1961) a donné à l'Eglise des cahiers publiés sous le titre "L'Évangile tel qu'il m'a été révélé" (initialement Poème de l'Homme-Dieu). La publication en est autorisée à condition de préciser que c'est une œuvre littéraire de Maria Valtorta, et non un nouvel Évangile. (1)

Je vois Anne qui sort du jardin potager. Elle s'appuie au bras d'une parente, sûrement, parce qu'elle lui ressemble. Elle est très grosse et paraît fatiguée peut-être aussi du fait de la chaleur. l'air est brûlant, accablant.

Depuis longtemps ce doit être la sécheresse, même l'herbe du pré qui marque l'extrémité de la propriété est sèche et rase. Joachim est autour des rangées de légumes et d'oliviers.

Lentement Anne se dirige vers Joachim qui l'apercevant se hâte d'aller à sa rencontre :

« Tu es venue jusqu'ici ? »

« La maison est chaude comme un four. »

« Et tu en souffres. »

« L'unique souffrance de mes derniers moments de grossesse. C'est la souffrance de tous : hommes et bêtes. Ne reste pas trop à la chaleur, Joachim. »

« L'eau qu'on espère depuis si longtemps et qui depuis trois jours semblait être proche, n'est pas encore venue, et la campagne brûle.»

Joachim, avec l'angoisse de tous les cultivateurs, scrute le ciel.

« Retournons à la maison » dit Anne.

« Ici aussi on a du mal à respirer »

Un cantique naît en mon cœur : celui de Tobie...

Elle semble encore plus olivâtre à cause d'une pâleur qui a envahi son visage :

« Tu souffres ? »

« Non, mais j'éprouve cette grande paix que j'ai éprouvée au Temple quand me fut faite la grâce . C'est comme une extase. Une douce somnolence corporelle pendant que l'esprit jubile et s'apaise en une paix à laquelle rien n'est humainement comparable. Je t'ai aimé, Joachim, et quand je suis entrée dans ta maison et que je me suis dit : " Je suis l'épouse d'un homme juste ", j'ai eu un sentiment de paix et de même toutes les fois que ton amour prévoyant prenait soin de ton Anne. Mais cette paix que j'éprouve, ce n'est pas la même chose.

Vois: je crois que c'est une paix comme celle qui, à la manière de l'huile qui suavement s'étend, devait envahir l'esprit de Jacob notre père après son songe des anges et, mieux encore, semblable à la paix délicieuse des deux Tobie quand Raphaël se manifesta à eux.

Elle me pénètre profondément, et à mesure que je la goûte, elle grandit de plus en plus. C'est comme si je m'élevais dans les espaces azurés du ciel... et, je ne sais pourquoi, depuis l'instant où j'ai cette paisible joie au cœur, un cantique naît en mon cœur : celui de Tobie.

Il me semble qu'il a été écrit pour cette heure... pour cette joie... pour la terre d'Israël qui la reçoit... pour Jérusalem pécheresse et maintenant pardonnée... mais quand je dis : " Remercie le Seigneur pour les biens qu'Il t'a accordés et bénis l'Eternel pour qu'il reconstruise en toi son Tabernacle ", je pense que celui qui reconstruira à Jérusalem le Tabernacle du Vrai Dieu ce sera cette créature qui va naître... et je pense encore que ce n'est plus de la cité , mais de l'être qui va naître de moi que le destin a prophétisé quand le cantique dit : .."Tu brilleras d'une lumière éclatante, tous les peuples de la terre se prosterneront devant toi, les nations viendront vers toi pour t'apporter des présents, ils adoreront en toi le Seigneur et garderont ta terre comme une terre parce que, en toi, elles invoqueront le Grand Nom.

Tu seras heureuse en tes fils, parce que tous seront bénis et se réuniront près du Seigneur. Heureux ceux qui t'aiment et jouissent de ta paix ! ..."

Et la première à en jouir c'est moi, sa bienheureuse mère... »

On dirait que Satan est sorti de l'enfer...

Anne change de couleur en disant ces paroles . De douces larmes coulent le long de ses joues. elle se hâte vers la maison entre son époux et sa parente.

Les nuages poussés par un vent violent courent et s'accumulent à travers le ciel, et la plaine s'assombrit et s'agite annonçant la tempête. Quand ils arrivent au seuil de la maison, un premier éclair bleuâtre déchire le ciel suivi de la rumeur d'un premier coup de tonnerre.

Tout le monde rentre et Anne se retire pendant que Joachim, rejoint par ses aides, parle, sur le seuil, de l'eau tant attendue qui est bénédiction pour la terre desséchée. Mais la joie fait place à la crainte parce qu'il s'élève une effroyable tempête qu'accompagnent les éclairs et des nuages chargés de grêle.

« Si la nuée se déchire, le raisin et les olives seront broyés comme sous la meule. Malheur pour nous ! »

Une autre angoisse saisit ensuite Joachim, pour son épouse pour qui le moment est venu d'accoucher. La parente ou d'autres femmes, et parmi elles la mère d'Alphée, sortent de l'appartement d'Anne pour revenir ensuite avec des bassins d'eau chaude et des linges séchés à la flamme du feu.

« Je suis un homme et n'ai jamais assisté à un enfantement, mais je me souviens avoir entendu dire que l'absence de douleurs est un très mauvais signe. »

dit Joachim. La nuit arrive, avancée par la tempête qui est d'une extraordinaire violence. Torrents d'eau, vent, éclairs, tout à la fois. Un des garçons remarque cette violence et déclare :

« On dirait que Satan est sorti de l'enfer avec tous ses diables. Regarde ces nuées noires ! Sens l'odeur de soufre répandue dans l'air, ces sifflements sinistres, ces cris de lamentation et de malédiction. Si c'est lui, il est furieux ce soir ! »

L'autre garçon rit et répond :

« Une grande proie lui aura échappé, ou bien Michel l'a frappé d'un coup de foudre de Dieu et il en a les cornes et la queue tranchées et brûlées. »

Tout a été aisé et heureux !

Passe en courant une femme et elle crie :

« Joachim, il va naître ! Et tout a été aisé et heureux ! »

et elle disparaît avec une petite amphore dans les mains. La tempête tombe tout d'un coup, après un dernier coup de foudre si violent qu'il lance contre le mur les trois hommes ; et sur le devant de la maison, dans le sol du jardin, il en reste en souvenir un trou noir et fumant.

Cependant un vagissement, qui semble être la plainte d'une tourterelle qui roucoule, traverse la porte de la chambre d'Anne, en même temps un gigantesque arc-en-ciel déploie son demi-cercle sur toute l'étendue du ciel.

Il paraît sortir, de la cime de l 'Hermon , s'élève jusqu'au très clair ciel de septembre et, passant par des espaces purifiés de toute souillure, survole les collines de la Galilée et de la plaine qui apparaît au sud et semble poser son extrémité au bout de l'horizon, là où une chaîne de montagnes abruptes arrête totalement la vue.

« Quel spectacle jamais vu ! »

« Regardez ! Regardez ! »

« Il semble qu'il encercle toute la terre d'Israël, et déjà, mais regardez, voilà une étoile alors que le soleil n'est pas encore disparu. Quelle étoile ! Elle brille comme un énorme diamant ! ... »

« Et la lune, voilà. C'est la pleine lune alors qu'il manque encore trois jours pour y arriver. Mais regardez quelle splendeur ! »

Les femmes surviennent joyeuses avec un poupon rose dans un linge tout blanc. C'est Marie, la Maman ! Une Marie pas plus longue que le bras, une petite tête d'ivoire teinté légèrement de rose et des petites lèvres de carmin , un petit bout de nez entre deux joues arrondies et ses petits yeux, deux points innocents qui ont la couleur de l'azur,et les petits cheveux sur la tête ronde ont la teinte rose blonde de certains miels blancs.

Et ses mains... fermées elles sont comme deux boutons de rose mousse et ouvertes on les dirait deux joyaux d'ivoire ou d'albâtre à peine rosée . Comment feront-elles ces mains pour essuyer tant de larmes ?.

Les doigts de pieds sont des chefs-d'oeuvre de sculpture lilliputienne . Mais, comment trouvera-t-on des sandalettes quand ces petits pieds de poupée feront leurs premiers pas, et comment feront-ils ces petits pieds pour faire un si dur chemin et soutenir tant de douleur sous une croix ?.

C'est l'Etoile !

Sous la soie très blanche on voit le mouvement de la respiration et si, comme le père heureux, on applique la bouche pour la baiser, en entend battre un petit cœur... un petit cœur qui est le plus beau que la terre ait possédé au cours des siècles : l'unique cœur humain immaculé.

Les femmes parlent encore de la tempête et du prodige de la lune, de l'étoile, du gigantesque arc-en-ciel, pendant qu'avec Joachim elles entrent dans la chambre de l'heureuse mère et lui remettent la petite créature. Anne sourit à sa pensée :

« C'est l'Etoile »

dit-elle.

« Son signe est dans le ciel. Marie, arc-en-ciel de la paix ! Marie, mon étoile ! Marie, lune brillante ! Marie, notre perle ! »

« Tu l'appelle Marie ? »

« Oui. Marie, étoile, perle, lumière, paix... »

« Mais ce nom veut dire aussi amertume... Ne crains-tu pas qu'il lui porte malheur ? »

« Dieu est avec elle. Elle est à Lui avant d'exister. Il la conduira par ses chemins et toute amertume se transformera en un miel paradisiaque. Maintenant, tu es chez ta maman... encore un peu de temps avant d'être toute à Dieu... »

Et la vision s'achève sur le premier sommeil d'Anne devenue mère et de Marie son enfant."


(1) « Valtorta », dans : René LAURENTIN et Patrick SBALCHIERO, Dictionnaire encyclopédique des apparitions de la Vierge. Inventaire des origines à nos jours. Méthodologie, prosopopée, approche interdisciplinaire, Fayard, Paris 2007.

Maria Valtorta