Vierge orante


 

La Vierge "Orante" est l’un des types iconographiques de l’art byzantin et russe de la Theotokos, la Mère de Dieu. On la représente les mains levées, dans un geste de prière.

 

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La figure de l’Orant : une attitude symbolique et christologique

La figure de l’Orant est, selon son étymologie, un priant (du latin orare= prier ). On le représente debout, les mains levées et tendues, les paumes ouvertes vers l'extérieur, dans le geste traditionnel de la prière, dans une attitude hiératique.

Ce geste, comme le dit le pape Benoît XVI, est le plus ancien geste de prière du christianisme :

« C’est un geste immémorial, transmis du fond des âges, un appel à Dieu qu’on retrouve dans toutes les religions. C’est aussi l’expression de la non-violence, un signe de paix. Quand l’homme ouvre les mains, il s’ouvre à l’autre. C’est aussi un geste d’espérance par lequel l’homme exprime son désir de connaître le Dieu caché, d’être emporté vers lui sur les ailes de la prière - c’est l’image qu’évoquent les bras levés vers le ciel.

À toutes les significations symboliques de ce geste, les Chrétiens ont ajouté une valeur christologique : les bras levés vers le ciel évoquent pour eux les bras du Crucifié qui confère une nouvelle profondeur au geste de prière originel. En étendant les bras, nous prions avec le Christ sur la Croix, nous nous unissons à son esprit (Ph 2,5). Les bras écartelés du Crucifié ont une double signification : ils représentent chez le Christ la plus haute forme d’adoration, la totale conformité de sa volonté humaine avec celle du Père ; en même temps ces bras s’ouvrent à nous, ils sont l’immense étreinte dans laquelle Jésus voudrait nous attirer (Jn 12,32). Adoration de Dieu et amour du prochain coïncident dans ce geste, car s’ouvrir à Dieu, s’abandonner complètement à lui est inséparable de l’amour du prochain. »[1]

La posture de l’Orant dans la Bible

Le geste des mains levées fait immédiatement penser à celui de Moïse, qui, dans le Livre de l’Exode, prie ainsi alors que Josué combat contre les Amalécites:

« 08 Les Amalécites survinrent et attaquèrent Israël à Rephidim.

09 Moïse dit alors à Josué : « Choisis des hommes, et va combattre les Amalécites. Moi, demain, je me tiendrai sur le sommet de la colline, le bâton de Dieu à la main. »

10 Josué fit ce que Moïse avait dit : il mena le combat contre les Amalécites. Moïse, Aaron et Hour étaient montés au sommet de la colline.

11 Quand Moïse tenait la main levée, Israël était le plus fort. Quand il la laissait retomber, Amalec était le plus fort.

12 Mais les mains de Moïse s’alourdissaient ; on prit une pierre, on la plaça derrière lui, et il s’assit dessus. Aaron et Hour lui soutenaient les mains, l’un d’un côté, l’autre de l’autre. Ainsi les mains de Moïse restèrent fermes jusqu’au coucher du soleil.

13 Et Josué triompha des Amalécites au fil de l’épée.

14 Alors le Seigneur dit à Moïse : « Écris cela dans le Livre pour en faire mémoire et déclare à Josué que j’effacerai complètement le souvenir d’Amalec de dessous les cieux ! »

15 Moïse bâtit un autel et l’appela : « Le-Seigneur-est-mon-étendard. » (Ex 17, 8-19, 15)

De même, la position debout est demandée par Dieu au prophète Ezéchiel :

« Fils d’Homme, tiens-toi debout sur tes pieds, je vais te parler» (Ez 2, 1), puis il est mis debout par l’action de l’Esprit Saint : « À cette parole, l’Esprit vint en moi et me fit tenir debout » (Ez 2, 3).

La Vierge Orante

La représentation de la Vierge Orante existait déjà dans l’art paléochrétien : on trouve déjà ce type de Vierge dans les catacombes de Rome, au IVès, dans les fresques et les sarcophages.

Il devint courant en Orient de représenter l’Orante dans les coupoles des absides, en mosaïque ou en fresque. La plus illustre est celle de la cathédrale Sainte-Sophie de Kiev et date du XIès.

L’Orante, mosaïque du XIès. Cathédrale Sainte-Sophie de Kiev. Unknown author, Nesusvet at ru.wikipedia, Public domain, via Wikimedia Commons.

Les icônes de l'Orante

Les icônes de l’Orante sont nombreuses. Dans la longue tradition du thème iconographique de la Theotokos , la Vierge orante met en valeur son pouvoir d’intercession, de protection et de participation. Cependant, l’une des variantes de cette icône signifie beaucoup : elle devient « Signe ».

La Vierge du Signe

L’icône de la Vierge du Signe ou Vierge de l’apparition est l’un des motifs iconographiques de la Vierge Orante, qui permet la contemplation du mystère de l’Incarnation. Elle représente le Christ dans le sein de la Vierge, inséré dans un petit médaillon circulaire, en forme de petit bouclier, le clipeus. Ce motif iconographique fait écho à l'annonce du prophète Isaïe : « Le Seigneur va vous donner un signe. Voici, la Vierge est enceinte et va enfanter un fils qu'elle appellera Emmanuel. » (Is 7, 14). Cette prophétie doit être reliée à l'Annonciation, et à l’Incarnation : l’Orante, Marie, prie les mains levées, accueille le désir de Dieu sur elle et, simultanément, le Fils est conçu en elle.

La fameuse icône miraculeuse que l’on nomme la Grande Panaghia d'Iaroslavl appartient à ce type.

Dans ces icônes de la Vierge du Signe, la Vierge Marie peut être représentée entièrement en pied, ou parfois seulement en buste. Il existe également des compositions avec des variantes où l'Enfant-Jésus est représenté dans un calice, appelées icônes du calice inépuisable (icône de Serpoukhov).

Icône du calice inépuisable, XIXès. Vysotsky Monastery, Public domain, via Wikimedia Commons.

La Vierge « Platytera »

La Vierge, les mains levées, avec ou sans l'Enfant, est parfois appelée « Platytera » , ou « Platytera ton ouranon » (« Celle qui est plus vaste » que les cieux) car elle contient en son sein celle que l'univers ne peut contenir, Dieu le créateur lui-même. L'origine de cette expression vient de l'hymne à la Mère de Dieu contenue dans la prière eucharistique de saint Basile : « De ton sein il a fait un trône, Il l'a rendu plus vaste que les cieux. O Pleine de grâce, toute la création se réjouit en toi, gloire à toi ! ».

Sources :

-Benoît XVI (Joseph Ratzinger). L'esprit de la liturgie. Genève : Éditions Ad Solem, 2001.p. 160.

-Sylvie Bethmont. « La figure de l’Orant et ses mains levées, symbole de la prière dans l’art », accessible en ligne 

-Ephrem Yon, Philippe Sers (éditeur). Les saintes icônes, une nouvelle interprétation. Paris 1990, p. 104


 

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Pour en savoir plus

 

-sur la Vierge orante de la cathédrale de Céfalù, Sicile, XIIès., dans l’Encyclopédie mariale

-sur l’icône de la Vierge Orante Grande Panaghia de Yaroslavl, XIIè s., dans l’Encyclopédie mariale

-sur les icônes de la Mère de Dieu, dans l’Encyclopédie mariale

 

I.Rolland