L’épisode du Recouvrement au temple et de Jésus au milieu des Docteurs qui est relaté dans l’évangile de st Luc a offert aux artistes de nombreuses possibilités de traitement.
L'épisode que l’on nomme ‘Jésus parmi les Docteurs’, ou ‘Recouvrement de Jésus au Temple’, se situe dans l’enfance de Jésus. À douze ans révolus, pour la fête de la Pâque, Jésus monte à Jérusalem avec ses parents pour passer, selon la coutume, son examen de "Fils de la Loi" (Bar-Mitsva). L’évangéliste nous rapporte ceci:
« Une fois les jours écoulés, alors qu'ils s'en retournaient, l'enfant Jésus resta à Jérusalem à l'insu de ses parents. Le croyant dans la caravane, ils firent une journée de chemin, puis ils se mirent à le rechercher parmi leurs parents et connaissances. Ne l'ayant pas trouvé, ils revinrent, toujours à sa recherche, à Jérusalem.
Et il advint, au bout de trois jours, qu'ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant; et tous ceux qui l'entendaient étaient stupéfaits de son intelligence et de ses réponses ».
Ce récit clôt le cycle des « mystères joyeux » du Rosaire[1], même s’il comporte un élément dramatique : l’inquiétude des parents de Jésus.[2]
Le thème iconographique de ‘Jésus parmi les Docteurs’ n’est pas aussi représenté que celui d’autres épisodes de l’enfance du Christ, et ce depuis les premières représentations du Christ[3] , surtout en France. Il est cependant doublé d’un second thème iconographique: celle du ‘Recouvrement de Jésus au Temple’, qui illustre la première partie du récit évangélique.
Si le thème de ‘Jésus parmi les Docteurs’ est souvent plein de douceur et de majesté, celui du ‘Recouvrement au Temple’ est parfois traité de façon plus dramatique. Parfois les deux épisodes sont représentés, comme dans le récit évangélique. D’autres fois, les artistes ont donné la préférence à l’un des deux récits. Le thème est donc riche et permet de nombreuses variations stylistiques.
Quelques éléments permettent de mieux cerner l’originalité de ce thème iconographique, par une approche comparative.
Traditionnellement, on représente Jésus au centre d’un cercle, au milieu des Anciens. Il est souvent assis, parfois sur un trône, tenant un rouleau, ou la main droite désignant vers le ciel, comme on le voit sur l’œuvre de Véronèse ci-dessus. Cette figuration va persister au fil des siècles : Ingres (cliquez), par exemple, conserve cette composition.
D’autres représentations sont moins statiques et permettent de rendre la scène plus vivante, voire caricaturale. Le cadrage se resserre autour des visages, éliminant le décor, ce qui permet de centrer la scène sur les physionomies et la gestuelle des mains. A. Dürer (cliquez), par exemple, dans l’une des deux versions qu’il a consacrées à cet épisode (celle de 1506), choisit d’établir un saisissant contraste entre le visage juvénile de l’enfant et celui des Docteurs, dont l’un est une véritable caricature.
D’autres représentations de la scène permettent de créer un clair-obscur, avec une interprétation théologique de la lumière, comme celle de Ribera (cliquez) le visage du Christ étant illuminé. Rembrandt lui-même traitera le sujet plus d’une fois.
Certains artistes ont suivi fidèlement le récit évangélique et ont intégré les deux scènes dans leur composition : ainsi la fresque de Giotto (cliquez) de la Chapelle Scrovegni à Padoue montre Jésus assis paisiblement au milieu des Docteurs, tandis que la Vierge Marie et Joseph arrivent sur la gauche; on retrouve ce parti pris jusque dans l’art contemporain : Bradi Barth mêle également les deux épisodes.
D’autres représentations se sont affranchies de la seconde partie de l’évangile pour se centrer uniquement sur le Recouvrement : S. Martini (cliquez), par exemple, nous offre au XIVès une scène familiale touchante, paisible, privilégiant le dialogue de la Sainte Famille, sans aucune représentation des Docteurs de la Loi; le chef d’œuvre de Philippe de Champaigne (cliquez), datant de 1663, nous présente la rencontre de Marie et de Joseph avec Jésus: le peintre y figure au premier plan l’empressement, l’inquiétude et la joie de Marie et de Joseph, ces émotions vives contrastant avec la figure du Christ, descendant paisiblement les marches du temple à leur rencontre, le bras droit désignant le ciel, tandis que de la main gauche il effectue un geste d’apaisement.
Enfin, le thème a pu offrir aux peintres l’occasion de mettre en valeur le décor: ainsi le peintre anglais préraphaélite William Holman Hunt (cliquez) s’est-t-il rendu au Moyen Orient pour réaliser cette œuvre… et être ainsi le plus fidèle possible à la réalité. Ce tableau, réalisé vers 1860, met en scène les réactions des Docteurs de la Loi.
L’épisode du ‘Recouvrement au Temple’ et de ‘Jésus et les Docteurs’ est donc un thème iconographique qui a inspiré les artistes. Son traitement a permis des variations à la fois thématiques et stylistiques : choix du sujet (Jésus avec ou sans ses parents, avec ou sans les Docteurs de la Loi, etc.) choix de points de vue, de narration, offrant aux artistes la possibilité d’exprimer une vision plus ou moins théologique, symbolique, plus ou moins narrative et plus ou moins expressive, selon leur sensibilité spirituelle et esthétique, de l’événement relaté par l’évangile de st Luc.
Sur l’épisode de 'Jésus parmi les Docteurs', tel que le rapporte [Lien perdu]
Sur El Bireh (le lieu probable où la Vierge Marie et Joseph s’aperçurent de l’absence de l’Enfant Jésus), dans l’Encyclopédie mariale
Isabelle Rolland