Le 8 octobre 1941, le vénérable pape Pie XII a prononcé à Rome un Discours aux jeunes époux intitulé Le Rosaire dans la famille.
« Venus à Rome pour demander la bénédiction du Père commun des fidèles sur vos nouveaux foyers, il faudrait, bien-aimés fils et filles, que vous en remportiez également une dévotion accrue envers le rosaire de la Vierge Marie, à laquelle est consacré ce mois d’octobre : tant de souvenirs rattachent cette dévotion à la piété des Romains et elle s’harmonise si bien avec toutes les circonstances de la vie domestique, avec tous les besoins et les dispositions particulières de chacun des membres de la famille !
Au cours de vos visites aux sanctuaires de cette Ville éternelle, il vous est arrivé dans quelqu’une de ces antiques basiliques ou près de la tombe glorieuse d’un saint, de vous sentir plus vivement émus, et, non contents d’un passage rapide, vous vous êtes arrêtés pour une fervente prière à vos intentions communes : la prière qui montait alors spontanément à vos lèvres, n’était-ce pas souvent la récitation de quelque dizaine de votre rosaire ?
Rosaire des jeunes époux, que vous récitez côte à côte à l’aurore de votre nouvelle famille, en face de la vie qui s’ouvre avec ses joyeux présages, mais aussi avec ses mystères et ses responsabilités. Il est si doux, dans la joie de ces premiers jours de pleine intimité, de mettre ainsi ses espérances et ses projets d’avenir sous la protection de la Vierge toute pure et toute-puissante, de la Mère d’amour et de miséricorde, dont les joies, les douleurs et les gloires repassent devant les yeux de votre âme au rythme des dizaines d’Ave Maria, évocation des exemples de la plus sainte des familles.
Rosaire des enfants. Rosaire des petits qui tiennent les grains du chapelet entre leurs doigts mignons encore malhabiles et qui lentement répètent, avec application et effort, mais déjà avec amour, les Pater et Ave que la patience de leur mère leur a enseignés ; ils se trompent, il est vrai, et parfois ils hésitent, ils confondent ; mais il y a dans le regard qu’ils attachent sur l’image de Marie, de Celle en qui ils savent déjà reconnaître leur Mère du ciel, une candeur si pleine de confiance ! Ce sera ensuite le chapelet de la première communion, qui aura sa place bien à lui dans les souvenirs de ce grand jour ; beau souvenir, à condition cependant de rester ce qu’il doit être, non pas un vain objet de luxe, mais un instrument qui aide à prier et qui évoque la pensée de Marie.
Rosaire de la jeune fille déjà grande, joyeuse et sereine, mais sérieuse en même temps et soucieuse de l’avenir. Elle confie à Marie, la Vierge Immaculée prudente et douce, les aspirations de dévouement qu’elle éprouve en son coeur ; elle prie pour celui qu’elle ne connaît pas encore, mais que Dieu connaît et que la Providence lui destine et qu’elle voudrait savoir pareil à elle-même, chrétien fervent et généreux. Ce chapelet qu’elle aime tant à réciter le dimanche avec ses compagnes, elle devra peut-être la semaine le dire durant les travaux du ménage, aux côtés de sa mère, ou entre les heures de travail au bureau où à la campagne, lorsqu’elle aura le loisir de se rendre à la chapelle voisine.
Rosaire du jeune homme, apprenti, étudiant ou agriculteur, qui se prépare par un travail courageux à gagner un jour son pain et celui des siens ; chapelet qu’il garde précieusement sur soi, comme une protection de cette pureté qu’il veut porter intacte à l’autel de ses noces ; chapelet qu’il récite sans respect humain dans les loisirs favorables au recueillement et à la prière ; rosaire qui l’accompagne sous l’uniforme du soldat, au milieu des fatigues et des périls de la guerre ; rosaire qu’il serrera une dernière fois le jour où peut-être la patrie lui demandera le suprême sacrifice, et que ses compagnons d’armes découvriront avec émotion entre ses doigts glacés et couverts de sang.
Rosaire de la mère de famille. Chapelet de l’ouvrière ou de la paysanne, simple et solide, usé par les ans, qu’elle ne pourra prendre en main que le soir peut-être, alors que, bien fatiguée de sa journée, elle trouvera encore dans sa foi et son amour la force de le réciter en luttant contre le sommeil, pour tous les siens, pour ceux surtout qui sont le plus exposés aux dangers de l’âme ou du corps, peut-être tentés ou affligés, ou qu’avec tristesse elle voit s’éloigner de Dieu. Rosaire de la grande dame, plus riche peut-être, mais souvent accablée de préoccupations et d’angoisses plus lourdes encore.
Rosaire du père de famille, de l’homme de travail et d’énergie qui ne manque jamais d’emporter son chapelet avec son stylo et son calepin ; qui, grand professeur, ingénieur renommé, clinicien célèbre, avocat éloquent, artiste de génie, agronome expert, ne rougit point de réciter son chapelet avec une dévote simplicité durant les brefs instants qu’il arrache à la tyrannie du travail professionnel pour aller retremper son âme de chrétien dans la paix d’une église, au pied du tabernacle.
Rosaire des vieux. Vieille grand-mère qui égrène, infatigable, son chapelet dans ses doigts engourdis, au fond de l’église, aussi longtemps qu’elle s’y peut traîner sur ses jambes raidies, ou durant les longues heures d’immobilité forcée dans le fauteuil, au coin du feu. Vieille tante qui a consacré toutes ses forces au bien de la famille et qui, maintenant qu’approche le terme d’une vie toute dépensée en bonnes œuvres, fait alterner, inépuisable de dévouement, les petits services qu’elle trouve encore le moyen de rendre, avec des dizaines et des dizaines d’Ave qu’elle dit sans relâche sur son chapelet.
Rosaire du mourant, serré aux heures suprêmes comme un dernier appui entre ses mains tremblantes, alors qu’autour de lui les siens le récitent à voix basse ; chapelet qui restera sur sa poitrine avec le crucifix, témoin de sa confiance en la miséricorde de Dieu et en l’intercession de la Vierge, de cette confiance dont était rempli ce cœur qui a fini de battre.
Rosaire, enfin, de la famille tout entière. Rosaire que tous récitent en commun, petits et grands ; qui réunit le soir aux pieds de Marie ceux que le travail de la journée avait séparés et dispersés ; qui les unit, ravivant les souvenirs dans une fervente prière, aux absents et aux disparus ; qui consacre ainsi le lien qui les rassemble tous sous l’égide maternelle de la Vierge Immaculée, Reine du Saint Rosaire.
A Lourdes comme à Pompéi, Marie a voulu montrer par d’innombrables faveurs à quel point cette prière lui est chère. Elle y invitait sa confidente Bernadette, elle accompagnait les Ave de l’enfant, elle égrenait avec elle lentement son chapelet, brillant comme les roses d’or qui éclataient à ses pieds. Répondez, chers jeunes époux, répondez à ces invites de votre Mère du ciel : assurez à son rosaire une place d’honneur dans les prières de vos nouvelles familles. Familles que Nous sommes heureux de bénir paternellement, et avec elles tous nos autres bien aimés fils et filles ici présents, au nom du Seigneur. »
-sur les encycliques mariales du pape Pie XII, dans l’Encyclopédie mariale
-sur les papes et le Rosaire, dans l'Encyclopédie mariale
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