Saint Séraphim de Sarov (1759-1833), l’un des saints les plus populaires de l’Église russe, est un ermite (starets), qui a partagé sa vie entre son ermitage et le monastère de Sarov. Vivant dans une ascèse rigoureuse, faite de jeûne, de solitude, d'humilité et de prière, son seul désir était de se « rapprocher du Christ ». Il accueillait de nombreuses personnes, qu’il accompagnait de conseils spirituels. L'un d'eux s'appelait Motovilov, et il a rapporté l’entretien que le père Séraphim lui a accordé. Motovilov souhaitait en effet comprendre comment reconnaître en soi la présence de la grâce du Saint-Esprit.
-Comment, demandai-je au Père Séraphim, pourrais-je reconnaître en moi la présence de la grâce du Saint-Esprit? "
- C'est fort simple, répondit-il. Dieu dit :
"Tout est simple pour celui qui acquiert la Sagesse" (Pr 14,6).
Notre malheur, c'est que nous ne recherchons pas cette Sagesse divine, qui, n'étant pas de ce monde, n'est pas présomptueuse. Pleine d'amour pour Dieu et pour le prochain, Elle façonne l'homme pour son salut. C'est en parlant de cette Sagesse que le Seigneur a dit:
"Dieu veut que tous soient sauvés et parviennent à la Sagesse de la vérité" (1 Tm 2,4).
À ses Apôtres qui manquaient de cette Sagesse, il dit :
"Combien vous manquez de Sagesse ! N'avez-vous pas lu les Écritures ?" (Lc 24,25-27).
L’Évangile dit qu'il
"leur ouvrit l'intelligence afin qu'ils puissent comprendre les Écritures."
Ayant acquis cette Sagesse, les Apôtres savaient toujours si, oui ou non, l'Esprit de Dieu était avec eux et, remplis de cet Esprit, affirmaient que leur œuvre était agréable à Dieu. [...]
N'ayant pas encore pleinement compris, Motovilov l'interroge encore. Alors le Père Séraphim me prit par les épaules et les serrant très fort dit :
-Nous sommes tous les deux, toi et moi, en la plénitude de l'Esprit-Saint. Pourquoi ne me regardes-tu pas ?
-Je ne peux pas, Père, vous regarder. Des foudres jaillissent de vos yeux. Votre visage est devenu plus lumineux que le soleil. J'ai mal aux yeux...
Le Père Séraphim dit alors:
-N'ayez pas peur, ami de Dieu. Vous êtes devenu aussi lumineux que moi. Vous aussi vous êtes à présent dans la plénitude du Saint-Esprit, autrement vous n'auriez pas pu me voir.
Inclinant sa tête vers moi, il me dit à l'oreille : [...]
-Ce n'est même pas toujours aux grands ermites que Dieu manifeste ainsi Sa grâce. Comme une mère aimante, cette grâce a daigné consoler votre cœur désolé, à la prière de la Mère de Dieu elle-même...
Mais pourquoi ne me regardez-vous pas dans les yeux ? Osez me regarder sans crainte ; Dieu est avec nous.
-Que sentez-vous maintenant? demanda le Père Séraphim.
- Je me sens extraordinairement bien.
- Comment " bien "? Que voulez-vous dire par " bien " ?
- Mon âme est remplie d'un silence et d'une paix inexprimables.
- C'est là, ami de Dieu cette paix dont le Seigneur parlait lorsqu'il disait à ses disciples :
« Je vous donne la paix, non comme le monde la donne, c'est moi qui vous la donne. Si vous étiez du monde, ce monde vous aimerait. Mais je vous ai élu et ce monde vous hait. Soyez sans crainte pourtant, car j'ai vaincu le monde » (Jn 14, 15, 16).
Cette paix, dit l'apôtre « qui dépasse tout entendement » (Ph 4).Que sentez-vous encore ?
- Une douceur extraordinaire.
- C'est la douceur dont parlent les écritures.
« Ils boiront le breuvage de ta maison et Tu les désaltèreras par les torrents de Ta douceur. » (Ps 36)
Elle déborde de notre cœur, s'écoule dans nos veines, procure une sensation de délice inexprimable... Que sentez-vous encore ?
- Une joie extraordinaire dans tout mon cœur.
- Quand le saint Esprit descend sur l'homme avec tous ses dons, l'âme humaine est remplie d'une joie indescriptible, le Saint-Esprit recréant dans la joie tout ce qu'il effleure.
C'est de cette joie dont Jésus parle dans l'évangile lorsqu'il dit :
« Une femme qui enfante est dans la douleur parce que son heure est venue. Mais ayant mis un enfant au monde, elle ne se souvient plus de sa douleur, tellement sa joie est grande. Vous aussi vous aurez à souffrir dans ce monde, mais quand je vous visiterai, vos cœurs seront dans la joie, et cette joie, personne ne pourra vous la ravir » (Jn 16).
Et cette joie que vous ressentez en ce moment, toute grande et consolante qu'elle soit, n'est rien en comparaison de celle dont le Seigneur a dit :
« La joie que Dieu réserve à ceux qui l'aiment est au-delà de tout ce qui peut être vu, entendu et ressenti par le cœur humain en ce monde » (1 Co 2 ).
(…)
- Que ressentez-vous encore, ami de Dieu ?
- Une chaleur extraordinaire, comme un bain de vapeur, avec des parfums qui n'ont rien de comparable aux autres.
- Je le sais, mon ami, c'est la bonne odeur du Saint Esprit. Mais regardez, la neige dont nous sommes couverts ne fond pas, la chaleur n'est donc pas dans l'air mais à l'intérieur de nous même. (...) Cette chaleur permettait aux ermites de ne pas craindre les froids de l'hiver. Le royaume de Dieu est en nous maintenant. Le saint Esprit nous illumine et nous réchauffe. Il emplit l'air ambiant de parfums variés, réjouit nos sens et abreuve nos cœurs d'une joie indicible. C'est l'état dans lequel nous sommes que le Seigneur avait en vue lorsqu'il disait:
« Je vous le dis en vérité, quelques-uns ne mourront pas avant d'avoir vu le royaume venir puissance. »
Cette manifestation restera-t-elle gravée dans votre mémoire ?
- Je ne sais Père.
- Et moi, répondit le starets, j'estime qu'au contraire Dieu vous aidera à garder toutes ces choses à jamais dans votre mémoire. Autrement, Il n'aurait pas été aussi rapidement touché par l'humble prière du misérable Séraphim, et n'aurait pas exaucé si vite son désir. D'autant plus que ce n'est pas à vous seul qu'il a été donné de voir la manifestation de cette grâce, mais pas votre entremise au monde entier. Affermi vous-même, vous serez utile à d'autres.
Source :
-Extraits de l'Entretien avec Motovilov, In : Irina Goraïnoff, Séraphim de Sarov,
Éditions Abbaye de Bellefontaine et Desclée de Brouwer, 1995.
-sur comment priait saint Séraphin de Sarov (1759-1833), dans l’Encyclopédie mariale
-sur les apparitions de Marie à st Séraphin de Sarov (1759-1833), dans l’Encyclopédie mariale
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