Quelques généralités[1].
Ramadân est tout simplement le nom du neuvième mois de l'année musulmane. Il s'agit de mois lunaire. Le musulman doit avoir vu la nouvelle lune (le calcul scientifique limite la liberté de Dieu). Ramadân peut commencer avec un jour de décalage selon les pays.
Le jeûne du Ramadân consiste dans une abstention de toute nourriture, de toute boisson, et de tout acte sexuel, du lever au coucher du soleil. La nuit, c'est une fête et on mange bien.
Tout musulman pubère, homme et femme, et en pleine possession de ses facultés mentales y est tenu. Diverses dispenses sont prévues. Mais toute dispense implique compensation (par exemple une aumône), chacun décide en conscience.
Le jeûne était connu dans la société arabique avant l'apparition de l'islam, notamment chez les juifs et chez les chrétiens orientaux. Le jeûne islamique commémore la révélation du coran, c'est aussi l'occasion de nourrir un pauvre.
Pour approfondir la spiritualité du jeûne musulman, nous suivrons R. ARNALDEZ, directeur de l'institut des langues orientales de Beyrouth.
« La valeur du jeûne est toute entière dans l'obéissance. »[2]
L'intention du jeûne, et la raison du jeûne du Ramadan.
« Le jeûne est de deux espèces : l'une est obligatoire, l'autre volontaire, de plein gré. L'intention est nécessaire. Il ne faut pas tenir de propos malhonnêtes et ne pas vociférer : si on reçoit des injures ou des attaques, il faut se contenter de répondre : je jeûne. C'est qu'en arabe, le mot employé ?awm ou ?iy?m est d'une racine qui signifie s'abstenir, et les juristes, en rappelant cette étymologie, vont jusqu'à dire que jeûner n'est pas un acte mais une suspension d'acte qui consiste à tout laisser pour obéir à Dieu et le louer. On comprend alors que le mois du Ramadan, pendant lequel le Coran a été révélé, soit commémoré par un jeûne. » [3]
Le jeûne dans la perspective globale de la pensée islamique.
Dans l'islam, la doctrine du jeûne (?awm), comme celle du combat spirituel, dépend de l'idée du « m?t?q » selon laquelle « l'homme naît croyant et musulman en vertu d'un m?t?q prééternel qui se situe au-delà de sa propre existence mais qui la fonde. »[4] Ainsi, pendant la vie terrestre, « le croyant, en disant oui, n'est pas un agent [...] le non est purement et absolument négatif parce qu'il consiste à rejeter la foi et à accepter, en refusant Dieu, le néant. Ce non ne produit rien ; dès qu'est achevé l'acte qui consiste à dire non, on tombe dans le non-être où il n'y a plus d'actes possibles. »[5]
C'est pourquoi, de la part du fidèle le jeûne n'est ni une action ni un combat spirituel :
En conséquence, « l'homme combat pour Dieu, plus exactement veut et pense combattre. C'est en un sens une illusion, mais une illusion que Dieu approuve et transforme en une réalité en combattant, lui, pour l'homme. C'est pourquoi le ?awm n'est pas, de la part du fidèle, une action. Et quand on dit que c'est une action dans l'intérieur, on entend que c'est Dieu qui agit. [...] Si l'homme en arrive à croire vraiment qu'il combat, lui, contre Satan et pour Dieu, il tombe dans une erreur fatale, puisqu'il s'associe à celui qui n'a pas d'associé. » [6] .
Pour un dialogue avec le christianisme, notre attention peut se porter sur trois points :
1) Le jeûne fait partie de la tradition chrétienne : le Christ a jeûné, les saints ont jeûnés, il y a des jours de jeûnes obligatoires.
2) Le jeûne dure un certain temps, mais c'est tous les jours que le chrétien est appelé à la vertu de tempérance.
3) Le jeûne chrétien (ainsi que la tempérance) fait partie du combat spirituel dans une dynamique d'Alliance : la coopération humaine se situe dans une position subordonnée à l'action divine.
[1] Cf. Les notes d'une session du père Franz Bouwen à Emmaus, année 2000/2001. Le Père Franz BOUWEN, Belge, prêtre de la société des Pères Blancs, est présent à Jérusalem depuis 1968.
[2] R. ARNALDEZ, « La mystique musulmane », dans Aa Vv, La mystique et les mystiques, DDB, Paris 1965, p . 571-648, p. 598
[3] R. ARNALDEZ, Ibid., p. 596-597
[4] R. ARNALDEZ, Ibid., p. 637
[5] R. ARNALDEZ, Ibid., p. 636
[6] R. ARNALDEZ, Ibid., p. 616.
Synthèse Françoise Breynaert