Témoignage de prière d’anciens otages en Irak
CITE DU VATICAN, Jeudi 24 mars 2005 (ZENIT.org)
Christian Chesnot confiait naguère à « Famille chrétienne » en évoquant la mobilisation qui a précédé sa libération et les otages encore à libérer:
« Je veux devenir un homme meilleur, plus disponible à Dieu et aux autres. Surtout, quand je vois l’élan extraordinaire qui nous a entourés ! Surtout, quand je pense aux confrères prisonniers et à tous les autres otages – trente en Irak, trois mille en Colombie ! Cette épreuve m’a ouvert des voies de compassion, d’empathie et de reconnaissance. Il y a un avant et un après ».
A propos de la prière, pendant leur captivité, Christian Chesnot et Georges Malbrunot confiaient à Luc Adrian (cf. Famille Chrétienne, 1410, cité par [Lien perdu] :
« La prière a été notre étoile dans les ténèbres. Je peux le dire qu’elle nous a sauvé la vie ! Vous savez, dans ces circonstances exceptionnelles, il ne reste plus que l’essentiel. Et pour nous, c’était Jésus et Marie… Quand vous êtes au fond du trou, dans la détresse et l’angoisse, face à la mort, vous vous retrouvez face à vous-même… et face à Dieu. La prière est devenue plus qu’un réconfort : une nécessité vitale ».
Christian Chesnot précisait qu’ils avaient prié ensemble :
« Tout au long de la détention et particulièrement durant le dernier mois et demi qui fut très dur, on faisait avec Georges des « séances de prière » de vingt minutes chacune, trois fois par jour, matin, midi et soir. Pour les négociateurs, français et irakiens ; pour nos geôliers ; pour nos familles, nos amis, tous ceux qui se mobilisaient ; pour notre chauffeur syrien chrétien, Mohammed Al-Joundi, dont on était sans nouvelles ; pour les autres otages. Pour nous, aussi, bien sûr. On chuchotait, pour chacune de ces intentions, des Notre Père et des Je vous salue Marie qu’on alternait, puis chacun ajoutait des prières personnelles, des intentions propres. C’était très, très intense.
En fait, durant la première quinzaine de captivité, on priait chacun pour soi. Puis lorsque la situation s’est aggravée, on s’est unis avec Georges. On se tenait debout dans un coin de la pièce, en joignant les mains. On se signait rapidement, puis on commençait notre « séance ». L’un de nos geôliers islamistes est entré un jour par surprise – il nous observait probablement – et nous a demandé : « c’est quoi, le geste que vous venez de faire ? » On a répondu : « C’est le signe de la croix de Jésus, le signe chrétien ». « Faut plus faire ça ! », nous a-t-il ordonné. Donc, à chaque fois qu’on priait, on avait peur qu’ils nous voient. Ça devenait le stress de la prière ! Si bien qu’on a fini par se réfugier sous une couverture pour nos « séances ». A l’abri des regards, on pouvait se signer sans risque, et prendre notre temps.
C’est une prière de survie, comme un cri !... C’était en même temps un cri de détresse presque physique, un appel spirituel intense, une soupape psychologique, un clapet de l’instinct de survie… ».
« Etiez-vous prêt à pardonner à vos bourreaux ? », interrogeait Luc Adrian.
Réponse : « Oui. … Malgré les menaces d’exécution qu’ils nous ont fait subir. Nos gardiens étaient des gamins de 17 ans ».
« On voit tout différemment après une telle épreuve ? », reprenait Luc Adrian :
« Surtout lorsqu’on s’en sort ! (sourire) Elle m’a changé en profondeur, humainement, spirituellement. Le dimanche, je calculais le décalage horaire pour m’unir à ceux qui allaient à la messe à Amman et à Vieil-Beaugé… Je ressentais un lien spirituel fort, une communion mystérieuse ».
Enfin, à la question : « Continuez-vous à prier ? », l’ex-otage répondait :
« Oui, même si c’est plus difficile que là-bas, dans la bousculade de ce retour. Cette expérience hors norme a renforcé ma Foi, c’est indéniable, mais je n’ai pas encore le recul suffisant pour le mesurer. Pour l’heure, je suis encore trop dans l’euphorie et l’effervescence. Mais j’imagine que je vais devenir plus pratiquant… (sourire). En tout cas, je veux devenir un homme meilleur, plus disponible à Dieu et aux autres. Surtout, quand je vois l’élan extraordinaire qui nous a entourés ! Surtout, quand je pense aux confrères prisonniers et à tous les autres otages – trente en Irak, trois mille en Colombie ! Cette épreuve m’a ouvert des voies de compassion, d’empathie et de reconnaissance. Il y a un avant et un après. Durant deux jours à Noël et deux jours le 1er janvier, on a débranché le téléphone. Sinon, ça n’arrête pas. Je pars dix jours à Amman où ce sera plus calme. Mais je compte bien essayer de cultiver ma vie intérieure et de me préserver ».