Dans la souffrance, prier avec les prophètes de l’exil

Dans la souffrance, prier avec les prophètes de l’exil

Michée :

Au temps de la chute de Samarie en l'an -721 Michée transmet une parole du Seigneur. Cette parole n'est pas une parole contre le peuple, mais contre son découragement. Il s'agit de se souvenir du bien :

"YHWH plaide contre Israël: Mon peuple, que t'ai-je fait? En quoi t'ai-je fatigué ? Car je t'ai fait monter du pays d'Egypte, je t'ai racheté de la maison de servitude." (Michée 6, 2-4)

Le peuple veut alors offrir des sacrifices, certains sont légitimes (offrir des veaux ou de l'huile) d'autres non interdits (immoler son fils aîné) : les premiers sont une action de grâce, les second sont des actes magiques pour contraindre la divinité.

Le prophète invite plutôt à regarder vers l'avenir :

"On t'a fait savoir, homme, ce qui est bien, ce que YHWH réclame de toi: rien d'autre que d'accomplir la justice, d'aimer la bonté et de marcher humblement avec ton Dieu." (Michée 6, 8)

Jérémie :

Au temps de la destruction de Jérusalem par Nabuchonodosor, offre plusieurs chemins de foi, plusieurs « fenêtres ».

La première fenêtre est celle de l'humilité, reconnaissons la grandeur de ce chemin :

« Nous connaissons, YHWH, notre impiété, la faute de nos pères: oui, nous avons péché contre toi. » (Jérémie 14, 20)

Une autre fenêtre est celle de la plainte, du cri :

"Vraiment tu es pour moi comme un ruisseau trompeur aux eaux décevantes !" (Jr 15, 15-18)

Ces derniers mots de Jérémie sont très violents. Dans la logique de Deutéronome 28, si Jérémie avait fait le bien, le malheur ne devait pas venir. Cette logique est sans doute trop étroite. Mais à travers son cri et sa plaine, Jérémie garde le « contact » avec YHWH, son cri est une vraie prière.

Et voici la réponse que Dieu fit à Jérémie :

"Alors YHWH répondit: Si tu reviens, et que je te fais revenir, tu te tiendras devant moi. Si de ce qui est vil tu tires ce qui est noble, tu seras comme ma bouche.

Eux reviendront vers toi, mais toi, tu n'as pas à revenir vers eux ! Je ferai de toi, pour ce peuple-là, un rempart de bronze fortifié." (Jr 15, 19-20)

Sans doute est-il étonnant que Dieu demande à Jérémie de revenir à lui : Jérémie n'est-il pas prêtre et n'a-t-il pas participé à la réforme du roi Josias ? Jérémie, qui a tout perdu, y compris sa logique, doit apprendre à quel point Dieu est tout, et à quel point la foi est noble. Il deviendra alors fort comme un "rempart".

N.B. La Vierge Marie, qui a elle aussi tout perdu au calvaire, est restée debout dans la foi. La liturgie l'appelle "rempart de la foi".

Job :

Job lui aussi refuse les explications simplistes de la souffrance du courant deutéronomiste (cf. chapitre 28 du Deutéronome - une logique qui se retrouve dans l'islam sous la forme de la loi suprême de l'histoire qui veut que le malheur signifie la punition d'une faute). Il ose se dire innocent et demander « pourquoi ? » (Jb 13, 22-24)

Et Dieu lui donne raison (Job 42, 8).

Job n'a pas d'explication à sa souffrance, mais finalement il jouit de la présence de Dieu :

« Maintenant mes yeux t'ont vu. » (Jb 42, 5).

Une conclusion postérieure ajoute que Dieu redonne à Job tous les biens qu'il avait perdus.

N.B. Job éclaire l'épisode de Jésus perdu et retrouver au temple, la souffrance de Marie et Joseph, leur « pourquoi ?", et Jésus qui revient avec eux, leur offrant sa divine présence.

Isaïe :

Dans le contexte de l'exil, si humiliant, Dieu semble silencieux. Que signifie ce silence ? Le second Isaïe porte la révélation que ce silence est un silence d'amour et que cet amour transfigure la vie bien misérable des exilés. C'est l'amour d'une mère devant les balbutiements de son petit.

La présence du Seigneur et sa tendresse sont telles qu'Israël va revivre (Is 41,13-15).

« Car tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t'aime. » (Is 43,4)

« Une femme oublierait-elle son enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t'oublierai pas. » (Is 49,15)

Venant de la personne que l'on aime le plus, les offenses prennent des proportions énormes, et les gestes de bonté aussi. Nous n'avons pas la mesure de l'Alliance.

L'Amour brouille les cartes, il y a disproportion :

La disproportion joue dans le sens de l'exigence :

« Vous avez reçu double punition. » (Is 40,2)

Elle joue aussi dans le sens de la réconciliation :

« C'est trop peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants d'Israël. Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre. » (Is 49,6)

Ezéchiel :

Il n'est pas possible d'enfermer Dieu dans le Temple, ni dans le cours de l'histoire, ni dans des raisonnements étroits en recherchant l'explication de l'exil dans la faute des pères, pas plus que nous n'avons la mesure du don de manne au temps de l'Exode : Dieu dépasse notre compréhension.

Ezéchiel a un sens profond de la transcendance de Dieu qui ne peut être décrite : il est comme... il avait la ressemblance... il paraissait... (Ez 1). Ezéchiel se tait devant une telle grandeur. Et devant une telle transcendance, les chefs sont incapables de guider le peuple, et Dieu viendra lui-même rassembler son peuple sur son sol (Ez 36, 22-32). Dieu seul peut prendre soin d'Israël (Ez 34) et le remettre debout (Ez 37).

L'adoration de la transcendance de Dieu est un baume sur la souffrance de l'exil. Elle est un chemin de foi.


Bibliographie :

Cf. Les articles donnés en approfondissement.

Une grande partie de ce texte est repris dans F. Breynaert, "A l'écoute de Marie, tome II", Brive 2007. Amazon.fr


Françoise Breynaert