155 - Guérison d’une petite fille romaine (mardi 18 janvier 28)

Evangiles

Pas de correspondance

Date :

Mardi 18 janvier 28

Lieu :

Césarée Maritime

 

Vision de Maria Valtorta :

155.1 Jésus dit :

« Petit Jean, viens avec moi. Je veux te faire écrire une instruction pour les consacrés d’aujourd’hui. Regarde et écris. »

155.2 Jésus est encore à Césarée Maritime. Il n’est plus sur la place d’hier mais plus à l’intérieur, à un endroit d’où l’on voit pourtant le port et les navires. Beaucoup d’entrepôts et de boutiques s’élèvent ici. Des nattes couvertes de produits variés se trouvent par terre, à même le sol, de sorte que j’en conclus que je suis près des marchés qui se tenaient peut-être au voisinage du port et des magasins pour la commodité des navigateurs et de ceux qui viennent acheter les marchandises apportées par bateaux. L’endroit bourdonne des allées et venues de la foule.

Jésus attend avec Simon et ses cousins que les autres aient pris les vivres dont ils ont besoin. Des enfants regardent avec curiosité Jésus, qui les caresse doucement tout en parlant avec ses apôtres. Jésus dit :

« Il me déplaît de voir qu’on est mécontent que j’aille auprès des païens. Mais je ne peux faire autre chose que mon devoir et être bon avec tout le monde. Efforcez-vous d’être bons, au moins vous trois et Jean ; les autres vous suivront par imitation.

– Mais comment faire pour être bon avec tout le monde ? Ces gens nous méprisent, nous oppriment, ne nous comprennent pas, ont plein de vices…, dit Jacques, fils d’Alphée, en s’excusant.

– Comment faire ? Tu es content d’être né d’Alphée et de Marie ?

– Oui, bien sûr. Pourquoi me demandes-tu cela ?

– Et si Dieu t’avait interrogé avant ta conception, aurais-tu voulu naître d’eux ?

– Mais oui. Je ne comprends pas…

– Et si, au contraire, tu étais né d’un païen, qu’est-ce que tu aurais dit en t’entendant accuser d’avoir voulu naître d’un païen ?

– J’aurais dit… j’aurais dit : “ Je n’en suis pas responsable. Je suis né de lui, mais j’aurais pu naître d’un autre. ” J’aurais dit : “ Il n’est pas juste de m’accuser. Si je ne fais pas de mal, pourquoi me haïssez-vous ? ”

– Tu l’as dit. Eux aussi, que vous méprisez en tant que païens, peuvent dire la même chose. Tu n’as pas de mérite à être né d’Alphée, qui est un vrai juif. Tu dois seulement en remercier l’Eternel parce qu’il t’a fait un grand don, et par reconnaissance et humilité chercher à amener au vrai Dieu ceux qui ne l’ont pas reçu. 155.3 Il faut être bon.

– Il est difficile d’aimer ceux qu’on ne connaît pas !

– Non. Regarde. Toi, petit, viens ici. »

Un garçon d’environ huit ans, qui jouait dans un coin avec deux autres camarades, s’approche. C’est un garçon robuste aux cheveux noirs alors que son teint est très blanc.

« Qui es-tu ?

– Je suis Lucius, Caïus Lucius, fils de Caïus Marius, je suis romain, fils du décurion de garde resté ici après avoir été blessé.

– Et ceux-ci, qui sont-ils ?

– Ce sont Isaac et Tobie. Mais on ne doit pas le dire, parce qu’ils seraient punis.

– Pourquoi ?

– Parce qu’ils sont hébreux, et moi romain, et on ne peut pas.

– Mais tu restes avec eux. Pourquoi ?

– Parce que nous nous aimons bien. Nous jouons toujours ensemble aux dés, ou à sauter. Mais on le fait en cachette.

– Et moi, tu m’aimerais bien ? Je suis hébreu, moi aussi, et je ne suis pas un enfant. Réfléchis : je suis un maître, on pourrait dire, un prêtre.

– Et qu’est-ce que cela peut me faire ? Si tu m’aimes bien, je t’aime bien, et je t’aime bien parce que tu m’aimes bien.

– Comment le sais-tu ?

– Parce que tu es bon. Celui qui est bon aime bien.

– Voilà, mes amis, le secret pour aimer : être bon. Alors on aime sans se demander si un tel a la même foi ou non. »

Et Jésus, tenant par la main le petit Caïus Lucius, s’en va distribuer quelques caresses aux enfants hébreux qui, apeurés, se sont cachés derrière une porte cochère ; il leur dit :

« Les enfants bons sont des anges. Les anges ont une seule patrie : le paradis. Ils ont une seule religion : celle du Dieu unique. Ils ont un seul temple : le cœur de Dieu. Aimez-vous bien, comme des anges, toujours.

– Mais si on nous voit, on nous frappe… »

Jésus hoche tristement la tête sans répondre…

155.4 Une femme grande et plantureuse appelle Lucius qui quitte Jésus en s’écriant : « Maman ! » et il lance à la femme :

« J’ai un grand ami, tu sais ? C’est un maître ! … »

Au lieu de s’éloigner avec son fils, la femme vient vers Jésus et l’interroge :

« Salut. C’est toi, l’homme de Galilée qui parlait hier au port ?

– Oui, c’est moi.

– Alors attends-moi là. Je reviens tout de suite. »

Et elle s’en va avec l’enfant.

Entre-temps les autres apôtres sont arrivés, sauf Matthieu et Jean. Ils demandent :

« Qui était-ce ?

– Une romaine, je crois, répondent Simon et les autres.

– Et que voulait-elle ?

– Elle nous a dit d’attendre ici. Nous n’allons pas tarder à le savoir. »

Cependant, des gens se sont approchés et attendent avec curiosité.

La femme revient avec d’autres romains.

« Tu es donc le Maître ? » interroge un homme qui semble être le serviteur d’une maison riche. Après confirmation, il demande :

« Cela t’ennuierait-il de guérir la petite fille d’une amie de Claudia ? L’enfant est mourante car elle s’étouffe et le médecin ne sait pas de quoi elle meurt. Hier soir, elle était en bonne santé. Ce matin, elle est à l’agonie.

– Allons-y. »

Ils font quelques pas dans une rue qui mène à l’endroit où ils étaient hier et arrivent au portail grand ouvert d’une maison habitée, semble-t-il, par des romains.

« Attends un moment. »

L’homme entre rapidement et revient aussitôt en disant :

« Viens. »

155.5 Mais, avant même que Jésus puisse entrer, une jeune femme d’aspect distingué, mais visiblement au désespoir en sort. Elle tient dans les bras une petite fille de quelques mois qui s’abandonne, livide comme un noyé. A mon avis, elle a une diphtérie aiguë et est sur le point de mourir. La femme se réfugie sur la poitrine de Jésus, comme un naufragé sur un écueil. Ses pleurs sont tels qu’elle ne peut parler.

Jésus prend l’enfant qui a de petits mouvements convulsifs dans ses menottes cireuses aux ongles déjà violets. Il la lève. Sa petite tête pend sans force, en arrière. Sa mère, sans montrer le moindre orgueil d’une romaine devant un hébreu, s’est laissée glisser dans la poussière aux pieds de Jésus, et elle sanglote, le visage levé, les cheveux à moitié dénoués, les bras tendus agrippés au vêtement et au manteau de Jésus. Derrière et autour d’eux, des romains de la maison et des hébreux de la ville regardent.

Jésus mouille son index droit avec de la salive, le glisse dans la petite bouche haletante, et l’enfonce profondément. La fillette se débat et devient encore plus noire. Sa mère crie : « Non ! Non ! » et semble se tordre sous un couteau qui la transperce. Les gens retiennent leur souffle.

Mais le doigt de Jésus sort avec un amas de membranes purulentes. La fillette ne se débat plus et après avoir versé quelques larmes, se calme avec un sourire innocent, agitant ses menottes et remuant les lèvres comme un oiseau qui pépie en battant des ailes, dans l’attente de la becquée.

« Prends-la, femme. Donne-lui ton lait. Elle est guérie. »

La mère est tellement abasourdie qu’elle prend la petite et, restant comme elle est, dans la poussière, elle l’embrasse, la caresse, lui donne le sein, folle, oublieuse de tout ce qui n’est pas sa petite fille.

Un romain demande à Jésus :

« Mais comment as-tu pu ? Je suis le médecin du proconsul et je suis savant. J’ai essayé d’enlever l’obstacle, mais il était vraiment trop enfoncé ! Et toi… juste comme ça…

– Tu es savant, mais tu n’as pas le vrai Dieu avec toi. Qu’il en soit béni ! Adieu. »

Jésus fait mine de s’éloigner.

155.6 A ce moment, un petit groupe de juifs éprouve le besoin d’intervenir.

« Comment t’es-tu permis d’aborder des étrangers ? Ils sont corrompus, impurs, et quiconque les approche devient comme eux. »

Jésus les regarde – ils sont trois – fixement, avec sévérité, puis il parle :

« N’es-tu pas Aggée ? L’homme d’Azot venu ici au mois de Tisri dernier pour chercher à conclure des affaires avec un marchand qui réside près des fondations de la vieille source ? Et toi, n’es-tu pas Joseph de Rama, venu ici pour consulter le médecin romain et, comme moi, tu sais pourquoi ? Alors ? Vous ne vous croyez pas impurs ?

– Le médecin n’est jamais un étranger. Il soigne le corps, et le corps est le même pour tous.

– L’âme aussi, et même plus que le corps. Du reste, qu’est-ce que j’ai soigné ? Le corps innocent d’une enfant, et c’est de la même manière que j’espère guérir les âmes des étrangers, qui, elles, ne sont pas innocentes. Comme médecin et comme Messie, je peux donc aborder n’importe qui.

– Non. Tu ne le peux pas.

– Non, Aggée ? Et toi, pourquoi fais-tu des affaires avec un marchand romain ?

– Nos seuls contacts, ce sont la marchandise et l’argent.

– Et, sous prétexte que tu ne touches pas sa chair, mais seulement ce que sa main a touché, tu penses ne pas te contaminer ! Ah ! Hommes aveugles et cruels !

155.7 Ecoutez tous. Dans le livre du prophète dont cet homme porte justement le nom, il est dit[81] : “ Demande donc aux prêtres une décision, en ces termes : ‘ Si un homme porte de la chair sanctifiée dans le pan de son vêtement et touche avec son vêtement du pain, un mets, du vin, de l’huile et toute sorte d’aliment, cela deviendra-t-il saint ? ’ Et les prêtres ont répondu : ‘ Non. ’ Alors Aggée dit : ‘ Si quelqu’un, rendu impur par un cadavre, touche à tout cela, cela deviendra-t-il impur ? ’ Et les prêtres ont répondu : ‘ Oui. ’ ”

Par cette façon d’agir rusée, trompeuse et incohérente, vous excluez et condamnez le bien et vous n’acceptez que ce qui favorise vos intérêts. Alors vous n’avez plus ni mépris ni dégoût. C’est pour vous éviter un dommage personnel que vous décidez si telle chose est impure ou rend impur, et si telle autre ne l’est pas. Vous êtes des bouches mensongères car si, d’après vous, ce qui est sanctifié au contact d’une chair sainte ou une chose sainte ne sanctifie pas ce qu’il touche, comment pouvez-vous professer que ce qui a touché une chose impure puisse rendre impur ce qu’il touche ?

Vous ne comprenez pas que vous vous contredisez, ministres menteurs d’une Loi de vérité qui en tirez parti en la tordant comme une corde à seule fin d’en sortir quelque chose qui serve vos intérêts. Vous êtes des pharisiens hypocrites qui sous un prétexte religieux déversez votre rancœur humaine, tout humaine, des profanateurs de ce qui appartient à Dieu, des ennemis de l’Envoyé de Dieu que vous insultez. En vérité, en vérité je vous dis que chacun de vos actes, chacune de vos conclusions, chacune de vos démarches est mue par tout un mécanisme astucieux auquel servent de roues, de ressorts, de poids et de tirants, vos égoïsmes, vos passions, vos manques de sincérité, vos haines, votre soif de domination, vos envies.

C’est honteux ! Avides, tremblants de peur, haineux, vous vivez dans la peur orgueilleuse qu’un autre vous soit supérieur, même s’il n’est pas de votre caste. Et vous méritez alors d’être comme celui qui vous inspire la peur et la colère ! Comme le dit Aggée, d’un tas de vingt boisseaux vous en faites un de dix et d’un tas de cinquante barils vous en faites un de vingt pour empocher la différence alors que, pour l’exemple à donner à l’homme et pour l’amour de Dieu, vous devriez ne rien enlever au tas de boisseaux et au tas de barils, mais y ajouter une part de vos biens pour ceux qui ont faim. Vous méritez que le vent brûlant, que la rouille et la grêle rendent stériles toutes les œuvres de vos mains.

Quels sont parmi vous ceux qui viennent à moi ? Ceux qui pour vous ne sont que fumier et immondices, ces ignorants complets qui ne savent même pas que le vrai Dieu existe, eux viennent vers ceux à qui Dieu se rend présent dans les paroles et dans les œuvres. Mais vous, vous ! Vous vous êtes fait une niche et vous y demeurez. Vous êtes arides, froids comme des idoles en attente d’encens et d’adorations. Et puisque vous vous prenez pour des dieux, il vous paraît inutile de penser au vrai Dieu comme il convient, et il vous semble dangereux que d’autres que vous osent ce que vous n’osez pas. En vérité, il vous est impossible de l’oser, puisque vous êtes des idoles, des serviteurs de l’Idole. Mais celui qui ose peut, parce que ce n’est pas lui, mais Dieu qui agit en lui.

155.8 Allez ! Rapportez à ceux qui vous ont envoyés sur mes talons que je méprise les marchands qui ne considèrent pas que vendre des marchandises ou la patrie ou le Temple à ceux dont ils re­çoivent de l’argent les contamine. Dites-leur que j’éprouve du dégoût pour les brutes qui ont seulement le culte de leur propre chair, de leur propre sang, et qui, quand il s’agit de leur guérison, ne tiennent pas les visites à un médecin étranger pour contaminantes. Dites-leur qu’il y a une seule mesure, et qu’elle est la même pour tous. Rapportez-leur que moi, le Messie, le Juste, le Conseiller, l’Admirable, celui sur qui descendra l’Esprit du Seigneur avec ses sept dons, celui qui ne jugera pas selon les apparences, mais selon ce qui se cache dans les cœurs, celui qui ne condamnera pas sur un ouï-dire, mais d’après les voix spirituelles qu’il entendra au-dedans de chaque homme, celui qui prendra la défense des humbles et jugera les pauvres avec justice, celui que je suis, – parce que je suis cela –, est déjà en train de juger et de frapper les hommes qui sur la Terre ne sont que terre ; et le souffle de ma respiration fera mourir l’impie et détruira son repaire, alors qu’il sera vie et lumière, liberté et paix pour ceux qui, poussés par un désir de justice et de foi, viendront à ma montagne sainte se rassasier de la science du Seigneur.

Cela est d’Isaïe[82], n’est-ce pas ?

Mon peuple ! Tout vient d’Adam, et Adam vient de mon Père. Tout est donc œuvre du Père, et j’ai le devoir de vous réunir tous au Père. Et moi, je te les conduis, Père saint, éternel, puissant, je t’amène tes fils errants après les avoir rassemblés en les appelant d’une voix pleine d’amour, en les rassemblant sous mon bâton de berger semblable à celui que Moïse éleva contre les serpents dont la morsure était mortelle. Pour que tu aies ton Royaume et ton peuple. Et je ne fais pas de différence entre les hommes parce qu’au fond de chaque vivant je vois un point plus brillant que le feu : l’âme, une étincelle qui vient de toi, éternelle Splendeur. O mon éternel désir ! O mon inlassable volonté !

C’est cela que je veux, c’est de cela que je brûle : une terre qui tout entière chante ton Nom. Une humanité qui t’appelle Père. Une rédemption qui les sauve tous. Une volonté fortifiée qui les rende tous soumis à ta volonté. Un triomphe éternel qui remplisse le paradis d’un hosanna sans fin… O multitude des Cieux !… Voici que je vois le sourire de Dieu… et cela est une compensation pour toute la dureté des hommes. »

155.9 Les trois hommes se sont enfuis sous la grêle des reproches. Tous les autres, romains ou hébreux, sont restés, bouche bée. La femme romaine avec la petite fille rassasiée de lait – qui dort tranquillement sur le sein de sa mère – est restée là où elle était, presque aux pieds de Jésus, et elle pleure de joie maternelle et d’émotion spirituelle. Un grand nombre pleurent à la conclusion irrésistible de Jésus qui paraît flamboyer dans son extase.

Baissant les yeux et son esprit du Ciel sur la terre, Jésus voit la foule, voit la mère… et en passant, après un geste d’adieu à tous, il effleure de la main la jeune romaine comme pour la bénir de sa foi. Et il s’en va avec ses disciples pendant que les gens, encore sous le coup de l’émotion, restent sur place…

155.10 (La jeune romaine, si ce n’est pas une ressemblance fortuite, est l’une des celles qui étaient avec Jeanne, femme de Kouza, sur le chemin du Calvaire[83]. Comme personne n’a dit son nom, je n’en suis pas sûre.)

 

[81] il est dit en : Ag 2, 11-13. La citation suivante est tirée de Ag 2, 16.

[82] est d’Isaïe : Is 11, 1-5.

[83] sur le chemin du Calvaire, en 608.9 (vision écrite 2 mois plus tôt et qui se trouve dans le volume n° 10). Il s’agit, comme nous le verrons en 167.3, de la femme ro­maine Valeria, et de sa fille Faustina).