229.1 Jésus va parler de la maison de Philippe ; beaucoup de monde s’est rassemblé devant, et Jésus se tient debout sur le seuil, où l’on accède par deux hautes marches.
La nouvelle de l’adoption par Pierre d’un enfant venu avec pour toute fortune (bien maigre !) trois brebis pour trouver cette grande richesse qu’est une famille s’est répandue à la vitesse de l’éclair. Tous ne parlent que de cela, chuchotent ou font des commentaires qui correspondent aux différentes mentalités.
Certains, en amis sincères de Simon et de Porphyrée, se réjouissent de leur bonheur. D’autres, malveillants, allèguent :
« Pour le faire accepter, il a dû le pourvoir d’une dot. »
D’autres encore disent avec bonté :
« Nous allons tous bien aimer cet enfant que Jésus aime. »
Certains lancent :
« La générosité de Simon ? Voyez-vous ça ! Il y trouve sûrement quelque profit, sinon… »
Il y a les avides :
« J’en aurais fait autant moi aussi, si on m’avait proposé un enfant avec trois brebis ! Trois, vous entendez ? C’est un petit troupeau ! Et elles sont belles : c’est la laine et le lait assurés, et plus tard les agneaux à vendre ou à garder. C’est une vraie richesse ! Et puis, l’enfant peut être utile, travailler… »
D’autres enfin haussent la voix :
« Ah, quelle honte ! Se faire payer une bonne action ? Simon n’y a sûrement pas même pensé ! Avec sa modeste richesse de pêcheur, nous l’avons toujours connu généreux envers les pauvres, en particulier les enfants. Maintenant qu’il n’a plus les rentrées de la pêche et que sa famille compte une personne de plus, il est juste qu’il gagne quelque chose d’une autre façon. »
229.2 Pendant que chacun fait ses commentaires, bienveillants ou acerbes, en tirant de son cœur ce qu’il a de bon ou de mauvais, Jésus, qui a tout écouté, parle maintenant avec un habitant de Capharnaüm[2]. Ce dernier l’a rejoint pour lui demander de venir au plus tôt, car la fille du chef de la synagogue est à l’article de la mort. En outre, une dame, accompagnée d’une servante, est à sa recherche depuis quelques jours. Jésus promet de venir le matin suivant, ce qui afflige les habitants de Bethsaïde, qui auraient bien voulu le garder plusieurs jours.
«Vous avez moins besoin de moi que d’autres. Laissez-moi partir. Du reste, je vais rester tout l’été en Galilée, et souvent à Capharnaüm. Il sera facile de nous voir. Là-bas, un père et une mère sont dans l’angoisse. Les secourir est faire preuve de charité. Vous approuvez la bonté de Simon envers l’orphelin, du moins ceux d’entre vous qui êtes bons. Mais seul le jugement des bons a de la valeur. Il ne faut pas écouter les jugements des autres, car ils sont toujours imprégnés de poison et de mensonge. Alors vous, les bons, vous devez approuver ma bonté d’aller soulager un père et une mère. Et gardez-vous de laisser stérile votre approbation, mais qu’elle vous incite à en faire autant.
229.3 Les pages de l’Ecriture nous rapportent tout le bien qui découle d’un acte bon. Rappelons-nous Tobit. Il a mérité que l’ange protège son petit Tobie et lui montre comment rendre la vue à son père. Mais de quelle charité le juste Tobit n’avait-il pas fait preuve, sans aucune arrière-pensée de profit et malgré les reproches de sa femme et les dangers qui menaçaient sa vie ! Souvenez-vous des paroles[3] de l’archange : “ C’est une bonne chose que la prière accompagnée du jeûne ; mieux vaut l’aumône que des montagnes d’or, car l’aumône délivre de la mort, purifie des péchés, fait trouver la miséricorde et la vie éternelle… Quand tu priais dans les larmes et que tu ensevelissais les morts… c’est moi qui présentais tes prières au Seigneur. ”
En vérité, je vous le dis, mon Simon surpassera de beaucoup les vertus du vieux Tobit. Il vous restera pour servir de tuteur à vos âmes dans ma Vie quand, moi, je serai parti. Il commence aujourd’hui à exercer sa paternité d’âme pour être demain le saint père de toutes les âmes qui me seront fidèles. Par conséquent, ne médisez pas. Mais s’il vous arrive un jour de trouver sur votre chemin un orphelin semblable à un oisillon tombé du nid, recueillez-le. Ce n’est pas la bouchée de pain partagée avec l’orphelin qui appauvrit la table des vrais enfants. Au contraire, elle apporte à cette maison les bénédictions de Dieu.
Faites-le, car Dieu est le Père des orphelins et c’est lui-même qui vous les présente afin que vous les aidiez en leur rendant leur nid détruit par la mort. Faites-le, car c’est ce qu’enseigne la Loi que Dieu a donnée à Moïse[4], qui est notre législateur car, en terre ennemie et idolâtre, il a trouvé, pour venir en aide à sa faiblesse d’enfant, un cœur compatissant qui s’est penché sur lui pour le sauver de la mort en le tirant hors des eaux, à l’abri des persécutions : en effet, Dieu l’avait destiné à être un jour le libérateur d’Israël. Un acte de pitié a valu à Israël son chef.
Les répercussions d’un acte bon ressemblent aux ondes sonores qui se répandent très loin de leur lieu d’émission ou, si vous préférez, aux souffles de vent qui emportent très loin les semences enlevées aux terrains fertiles.
Maintenant, partez. Que la paix soit avec vous. »
[2] un habitant de Capharnaüm : c’est l’homme qui lui a donné l’hospitalité à Capharnaüm, comme le précise la correction de Maria Valtorta sur une copie dactylographiée. Il s’agit d’un certain Thomas (ainsi dénommé en 231.1, 237.5, 355.1, 446.2), un intime de la famille de Jésus (comme on l’a vu en 47.10 et en 48.7) qui a une femme, mais pas d’enfants (comme on le verra en 449.4). A Capharnaüm, sa maison était considérée comme la maison de Jésus (Mt 4, 13).
[3] paroles : voir Tb 12, 8-12.
[4] Moïse : sa naissance est relatée en Ex 2, 1-10.