L'appel à la miséricorde (sources juives)

L'appel à la miséricorde (sources juives)

Parmi les théologies juives avant le Christ, il existe un type de raisonnement impliquant un changement de la nature de l'humanité après le péché :

Le châtiment du serpent a entraîné un changement de sa nature et de ses caractéristiques originelles[1].

La sanction d'Adam consista, non seulement dans le décret de mort, mais dans la perte de ses attributs premiers, et l'on pourrait presque dire que, de même qu'il amena « la mort à ses descendants », il provoqua la détérioration de leur nature et les rendit inéluctablement enclins au péché.[2]

De là un vigoureux appel à la miséricorde, qui existe déjà chez les Tannaïm

Les Tannaïm (singulier Tanna) sont proches de l'époque du Christ et, du fait qu'ils fixent une tradition orale qui les a précédés, ils donnent une idée des théologies présentes avant et au temps du Christ.

Le Tanna[3] Rabbi Néhémiah sollicite l'attribut divin de la miséricorde. Le mauvais penchant a été brièvement extirpé au moment de la révélation au Sinaï et puis il a repris sa place. Le peuple supplie. Mais le mauvais penchant ne sera extirpé que dans les temps à venir, selon les mots « Et je retirerai de votre chair le cœur de pierre (Ez 36, 26)[4]

« Lorsque Israël entendit : Tu n'auras pas [d'autre dieu], le mauvais penchant fut extirpé de leur cœur.

Puis ils vinrent à Moïse et lui dirent : Moïse, notre maître, soit un émissaire entre nous, selon les mots : Toi parle avec nous, et nous entendrons. Pour quelle raison devrions-nous mourir ? Quel avantage y aura-t-il à ce que nous périssions ?

Aussitôt le mauvais penchant reprit sa place.

Ils retournèrent alors à Moïse et lui dirent : Moïse, notre maître, ne peut-il se révéler à nous une seconde fois, que ne peut-Il « m'embrasser des baisers de sa bouche... » !

Il leur répondit : Cela ne se produira pas maintenant, mais dans les temps à venir, selon les mots : Et je retirerai de votre chair le cœur de pierre (Ez 36, 26). »

(Cantique rabba I, 2)

On perçoit ici très nettement l'origine commune des théologies juives et chrétiennes :

L'attente de l'accomplissement d'Ez 36, 26 ouvre aux gestes forts de Jésus tels que la guérison de l'aveugle qui va se laver (Jn 9), la pierre qu'il fait enlever pour faire sortir Lazare du tombeau (Jn 11,38) ou l'eau qui jaillit du cœur transpercé de Jésus (Jn 19, 34).

Mais attention, pour certains sages, la rédemption n'est pas liée à un rédempteur personnel (Jésus), mais ils attendent une intervention de Dieu à la fin des temps. cf.

L'attente

le="Qui concerne le messie. L’attente messianique était l’attente du messi..." class="definition_texte">messianique au temps de Jésus.

Plus tard, une prière du Talmud sollicite, elle aussi, l'attribut divin de la miséricorde :

« Que ce soit ta volonté, Seigneur notre Dieu... de briser et de supprimer de nos cœurs le joug du mauvais penchant, puisque Tu nous as créés pour que nous accomplissions Ta volonté, et qu'il nous incombe de l'accomplir. Tu le désires et nous le désirons ; qui donc alors l'empêche ? Le levain [la tentation du mauvais penchant] est dans la pâte. Il est connu que nous n'avons pas la force d'y résister. Que ce soit donc Ta volonté, Seigneur notre Dieu... de le retirer de nous et de nous le soumettre, afin que nous puissions accomplir Ta volonté comme si c'était la nôtre d'un cœur unifié. »

(Talmud Jérusalem berakhot IV, 2)

Attention, la miséricorde divine ne dispense jamais l'homme du combat spirituel.


[1] Avot de R. Nathan, version B, XLII, 7, 59a ; Genèse Rabba XX, 5

[2] Voir Israël Lévi, « Le péché originel dans les anciennes sources juives », école pratique des hautes études, Paris 1907 ; S. Cohon, « Original sin », HUCA XXI (1948), p. 275s.

[3] Les Tannaïm sont proches de l'époque du Christ et, du fait qu'ils fixent une tradition orale qui les a précédés, ils donnent une idée des théologies présentes avant et au temps du Christ.

[4] Cantique rabba I, 2

Sources juives tirées de : E. Urbach, Les sages d'Israël, Cerf, Paris 1996, (traduit de l'hébreu par Marie-José Jolivet. Edition originale, Jérusalem 1979), chapitre XV, Jugement de l'homme et jugement du monde, p.489-490 et p. 498.


Françoise Breynaert

Extrait de :

F. Breynaert, Juifs et chrétiens, Une origine, deux chemins,

Editions du

tails&tx_ifglossaire_list%5Bcontroller%5D=Glossaire" title="En grec, paracletos signifie « celuiqui qui aide». Mais aussi « l�..." class="definition_texte">Paraclet, Brive 2010