Le juste, pilier du monde
Du verset « Le juste est le fondement du monde » (Pr 10, 25), les Tannaïm[1] inféraient déjà qu'un seul juste équivaut au monde tout entier.
R. Hiyya bar Abba transmet au nom de R. Yohanan :
« Aucun juste ne peut quitter ce monde avant qu'un autre juste ne soit créé, selon le verset : Le soleil se lève, le soleil se couche - avant que n'ait disparu le soleil d'Eli, le soleil de Samuel de Rama s'était levé. »[2]
Et ailleurs :
« R. Hiyya bar Abba dit en outre au nom de R. Yohanan : un seul juste suffit à maintenir l'existence du monde, selon le verset, Le juste est le fondement du monde. »[3]
Le juste amène un influx de bienfaits
« Lorsque le saint, béni-soit-Il, créa l'homme, il lui conféra la souveraineté sur toute chose : la vache se pliait à la volonté du laboureur, la porte obéissait au menuisier. Mais après que l'homme eut péché, Dieu les fit se rebeller contre lui : la vache n'obéissait plus au laboureur, ni la porte au menuisier. Toutefois, lorsque vint Noé, à nouveau ils se soumirent. »[4]
Ce thème se retrouve fréquemment[5].
Les thèmes de la aggada [= récit] apocryphe de Noé réapparaissent dans les commentaires des Amoraïm [des sages plus tardifs] sur la naissance d'Isaac et de Moïse :
« Le jour où naquit Isaac, le Saint, béni soit-Il, rendit la lumière de la sphère solaire quarante-huit fois plus intense. »[6]
Un tel filon de la tradition juive peut entrer sans obstacle dans la vision chrétienne du juste, rédempteur du péché originel.
Nous voyons ainsi à quel point juifs et chrétiens ont une même origine.
Autres rôles du juste
Le juste fait des reproches aux méchants.[7]
Le juste plaide la cause de ses semblables à l'heure du jugement.[8]
L'activité du juste et l'influence de ses mérites ne cesse pas après sa mort.[9]
D'un point de vue marial,
Cette tradition juive sur le rôle du juste donne à penser que l'Eglise primitive aura de manière très spontanée considéré
- que la mère de Jésus plaide la cause des fidèles à l'heure du jugement[8]
- que l'activité de la bienheureuse Vierge Marie et l'influence de ses mérites ne cesse pas après sa mort.[9]
Dans la tradition tardive (Amoraïm), paradoxalement, ceux qui ont fait bénéficier la communauté de leurs mérites vont être eux-même envoyés étudier la Tora : « Et Abraham retourna auprès des jeunes gens - où était donc Isaac ? [Abraham] l'envoya auprès de Shem pour étudier la Tora. »[10]
Le rôle majeur du juste est alors subordonné au rôle de la Tora et du cercle des sages qui en fixent l'interprétation.
Nous voyons ici comment juifs et chrétiens ont pris « deux chemins » : pour les chrétiens, le juste devient parole vivante ; pour les juifs, la Tora et le cercle des sages dominent (et jugent) le juste.
[1] Mekhilta de Rabbi Ishmaël, shira I, p. 118 ; voir Genese Rabba XXX, 1
[2] Talmud de Babylone, Yoma 38b.
[3] Talmud de Babylone, Yoma 38b.
[4] Genese Rabba XXV, 2
[5] Genese Rabba LXIII, 1
[6] Pesiqta rabbati 117a.
[7] Talmud de Babylone, Shabbat 55a
[8] Genese Rabba XXXIII,3
[9] Talmud de Babylone, Mo'ed Qatan 28a.
[10] Genese Rabba LVI, 11
Sources juives citées dans : Ephraïm Urbach, Les sages d'Israël, Cerf, Paris 1996, (traduit de l'hébreu par Marie-José Jolivet. Edition originale, Jérusalem 1979), chapitre XV, Jugement de l'homme et jugement du monde, p. 505-523.
Françoise Breynaert
Extrait de :
F. Breynaert, Juifs et chrétiens, Une origine, deux chemins,
Editions du
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