Quand Dieu semble s’être éloigné (Tanhuma Naso 16)

Pourquoi dit-on que Jésus est descendu du ciel ? (Tanhuma Naso 16)

Tanhuma naso 16 est un texte de la tradition juive qui s'inscrit dans la ligne du prophète Isaïe qui attend une ouverture du ciel et s'adresse à Dieu en disant :

« Ah ! Si tu déchirais les cieux, et si tu descendais... » (Is 63, 19).

Le croyant attend que Dieu descende parce qu'il croit aussi qu'il est remonté, c'est-à-dire qu'il est voilé à nos yeux pécheurs. C'est ce qu'exprime ce texte de la tradition juive où le mot Shekinah désigne la présence de Dieu au milieu des hommes :

« Il a créé l'homme et lui a dit : Tu peux manger de tous les arbres, mais de l'arbre du bien et du mal, tu n'en mangeras pas. Et il transgressa son commandement.

Ainsi, J'ai désiré qu'il y ait sur terre une habitation comme elle est dans le ciel. Je t'ai commandé une seule chose mais tu ne l'as pas gardée.

Aussitôt, le Saint, béni soit-il, a fait disparaître sa Shekinah...

Ils entendirent la voix d'Adonaï qui marchait dans le jardin parce qu'ils avaient transgressé ses commandements. La Shekinah est partie dans son premier ciel.

Caïn se leva et tua Abel, aussitôt la Shekhinah s'en alla dans le deuxième ciel. J'ai fait sept cieux.

Mais après cela que fit-il ? Il doubla les générations et aux générations mauvaises il opposa les générations bonnes.

Enfin vint Abraham qui se distingua par de bonnes choses. Et le Saint, béni soit-il, descendit du septième ciel vers le sixième. »

Shmuel bar Nahmani, Tanhuma naso 16

Texte plus long dans Jacques Bernard,

Les fondements bibliques, Parole et Silence, Paris 2009, p. 489.

La tradition que représente ce récit est très minoritaire en judaïsme.

La plupart des autres textes signifient d'une manière ou d'une autre que la présence de Dieu est toujours là, et que le Shabbat ou la Shekinah protègent l'homme pécheur, sans qu'il y ait besoin d'un rédempteur personnel dans une "nouvelle descente de Dieu", donc sans qu'il y ait besoin de Jésus dont la prétention semble un blasphème.

Le récit contient une riche théologie :

- Dieu s'est retiré, c'est une image, c'est un anthropomorphisme qui traduit le fait que par le péché nous ne pouvons plus vivre dans sa lumière.

- La responsabilité humaine est soulignée, que ce soit dans le bien ou dans le mal.

- La responsabilité humaine est donc importante y compris dans le cas d'une descente de Dieu qui irait jusqu'à parler au Sinaï au temps de Moïse, ou qui irait jusqu'à l'incarnation (d'où la grandeur du Fiat de Marie).

Ce texte inspire l'expression chrétienne :

Saint Luc (ou l'ange Gabriel parlant à Marie) exprime l'Incarnation comme une descente de Dieu :

« L'Esprit Saint surviendra sur toi et la puissance du Très haut fera ombre sur toi. »

(Lc 1,35)

La descente de Dieu signifie lumière, pardon, salut, rédemption ; la tradition chrétienne interpète l'Incarnation comme le pardon de Dieu.

Dans "l'Ascension d'Isaïe", un récit apocryphe en grande partie chrétien, l'auteur décrit l'Incarnation du Christ comme une descente secrète à travers les sept cieux. Après sa vie terrestre, sa mort et sa résurrection, il remonte les sept cieux, adoré par tous. Ici, c'est toute l'imagerie qui est similaire.


Françoise Breynaert