Saint Louis-Marie de Montfort, dans le Traité, résumé dans le Secret de Marie, s'exprime suivant deux parties qui sont animées par le grand mouvement d'aller-retour : Incarnation et Divinisation :
La première partie, qui expose les fondements théologiques de la vraie dévotion à Marie (Traité § 1-89 ou Secret de Marie § 7-22), est surtout caractérisée par le mouvement descendant de l'Incarnation.
La seconde partie, qui expose la vraie dévotion dans sa forme la plus parfaite (Traité § 90-273 ou Secret de Marie § 23-78), est surtout caractérisée par le mouvement ascendant de la divinisation, car Il est descendu jusqu'à nous pour nous faire monter jusqu'à lui.
Si Jésus est toujours au centre de ce mouvement d'aller et retour, de descente et de remontée, Marie lui est intimement associée.
Jésus est la voie (cf Jn 14,6); il vient du Père et il retourne au Père; il est en Personne le chemin de Dieu vers l'homme et de l'homme vers Dieu. En Jésus, Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu, il est descendu jusqu'à l'homme pour faire monter l'homme jusqu'à Lui. Tel est le grand leitmotiv du Traité et du Secret.
Louis-Marie contemple toujours Marie dans ce mouvement d'aller et retour; par son union intime avec Celui qui est la voie, elle-même est aussi voie, chemin[1].
Par exemple, dans le bref résumé du Secret, il écrit:
"Il faut, pour monter et s'unir à lui, se servir du même moyen dont il s'est servi pour descendre à nous, pour se faire homme et pour nous communiquer ses grâces; et ce moyen est une vraie dévotion à la Vierge"[2].
Dans le Traité, Louis-Marie développe magnifiquement ce thème lorsqu'il présente cette dévotion à Marie comme "un chemin parfait"; c'est sans doute la plus belle explication de l'expression "par Marie" (que nous soulignons) dans le mouvement descendant de l'Incarnation et dans le mouvement ascendant de notre divinisation:
"Cette pratique de dévotion à la Très Vierge est un chemin parfait pour aller et s'unir à Jésus?Christ, puisque la divine Marie est la plus parfaite et la plus des pures créatures, et que Jésus?Christ, qui est parfaitement venu à nous n'a point pris d'autre route de son grand et admirable voyage. Le Très?Haut, l'Incompréhensible, l'Inaccessible, Celui qui Est, a voulu venir à nous, petits vers de terre, qui ne sommes rien. Comment cela s'est?il fait?
Le Très?Haut a descendu parfaitement et divinement par l'humble Marie jusqu'à nous, sans rien perdre de sa divinité et sainteté; et c'est par Marie que les très petits doivent monter parfaitement et divinement au Très?Haut sans rien appréhender.
L'Incompréhensible s'est laissé comprendre et contenir parfaitement par la petite Marie, sans rien perdre de son immensité; c'est aussi par la petite Marie que nous devons nous laisser contenir et conduire parfaitement sans aucune réserve.
L'Inaccessible s'est approché, s'est uni étroitement, parfaitement et même personnellement à notre humanité par Marie, sans rien perdre de sa Majesté, c'est aussi par Marie que nous devons approcher de Dieu et nous unir à sa Majesté parfaitement et étroitement sans craindre d'être rebutés.
Enfin, Celui qui Est a voulu venir à ce qui n'est pas et faire que ce qui n'est pas devienne Dieu ou Celui qui Est; il l'a fait parfaitement en se donnant et se soumettant entièrement à la jeune Vierge Marie, sans cesser d'être dans le temps Celui qui Est de toute Éternité; de même, c'est par Marie que, quoique nous ne soyons rien, nous pouvons devenir semblables à Dieu, par la grâce et la gloire, en nous donnant à elle si parfaitement et entièrement, que nous ne soyons rien en nous-même et tout en elle, sans crainte de nous tromper" (VD 157).
Ainsi, l'expression "par Marie", reliée à l'expression centrale "par Jésus-Christ Notre Seigneur" (cf VD 257), vérifie le même mouvement de l'admirable échange entre Dieu et l'Homme dans le Christ: c'est "par Jésus-Christ Notre Seigneur" que le Père nous donne l'Esprit-Saint et que l'Esprit-Saint nous conduit au Père; c'est "par Marie que Jésus-Christ est venu au monde" (VD 1) et que le monde revient à lui.
Ici encore, notre auteur est très proche des Pères de l'Eglise[3].
Marie est elle-même le chemin descendant de l'Incarnation et le chemin ascendant de notre divinisation: par elle et en elle, le Fils de Dieu s'est uni à notre humanité pour nous unir à sa Divinité[4]. La "voie immaculée de Marie" (VD 158), c'est Marie elle-même, dans le mouvement de l'aller comme dans celui du retour:
"Étant la voie par laquelle Jésus?Christ est venu à nous la première fois, elle le sera encore lorsqu'il viendra la seconde, quoique non pas de la même manière. Étant le moyen sûr et la voie droite et immaculée pour aller à Jésus?Christ et le trouver parfaitement, c'est par elle que les saintes âmes qui doivent éclater en sainteté doivent le trouver. Celui qui trouvera Marie trouvera la vie, c'est?à?dire Jésus Christ, qui est la voie, la vérité et la vie "(VD 50).
Dans tous ces textes, Louis-Marie prend toujours soin de souligner l'orientation christocentrique: "à Jésus par Marie"[5].
Tous les textes de saint Louis-Marie sont cités d'après l'édition critique de ses Oeuvres Complètes (Paris, 1966, édition du Seuil), en utilisant les sigles: VD pour le Traité de la Vraie Dévotion, SM pour le Secret de Marie.
Marie dans le mouvement d’Incarnation et de divinisation (Montfort) [1] Cf VD 50, 75, 85, 125, 142, 152, 157; SM 23, 35, etc...
Marie dans le mouvement d’Incarnation et de divinisation (Montfort) [2] SM 23. Dans le Secret, ce texte est comme la charnière entre les deux parties, il fait le lien entre le mouvement descendant de la première et le mouvement ascendant de la seconde.
Marie dans le mouvement d’Incarnation et de divinisation (Montfort) [3] Par exemple de saint Jean Damascène qui contemple Marie figurée par l'échelle de Jacob (Homélie sur la Nativité, n° 3; IIème Homélie sur la Dormition, n°8).
Marie dans le mouvement d’Incarnation et de divinisation (Montfort) [4] Dans le même sens, on peut citer VD 152: "C'est un chemin aisé; c'est un chemin que Jésus?Christ a frayé en venant à nous, et où il n'y a aucun obstacle pour arriver à lui".
Marie dans le mouvement d’Incarnation et de divinisation (Montfort) [5] Ce qu'il dit "absolument" à propos de Jésus, il le dit "relativement" à propos de Marie (VD 74). Tel est le sens de la consécration qu'il enseigne: "Il s'ensuit qu'on se consacre tout ensemble à la Très Vierge et à Jésus?Christ; à la Très Vierge comme au moyen parfait que Jésus?Christ a choisi pour s'unir à nous et nous unir à lui; et à Notre?Seigneur comme à notre dernière fin, auquel nous devons tout ce que nous sommes, comme à notre Rédempteur et à notre Dieu" (VD 125).
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