Le concile Vatican II et le pape Jean Paul II ont repris l'enseignement et l'expérience de saint Louis-Marie de Montfort qui est donc un saint pour notre temps.
Saint Louis-Marie de Montfort
Pour Montfort, l'Incarnation est LE mystère fondamental de l’économie du salut et celui qui est au cœur de sa spiritualité :
« L’Incarnation est le premier mystère de Jésus-Christ, le plus caché, le plus relevé et le moins connu; que c’est en ce mystère que Jésus, de concert avec Marie, dans son sein, qui est pour cela appelé des saints « aula sacramentorum », la salle des secrets de Dieu, a choisi tous les élus; que c’est en ce mystère qu’il a opéré tous les mystères de sa vie qui ont suivi, par l’acceptation qu’il en fit. »
(Traité de la vraie dévotion, § 248)
« De plus, Jésus-Christ étant à présent autant que jamais le fruit de Marie, comme le Ciel et la terre lui répètent mille et mille fois tous les jours: Et béni est le fruit de votre ventre, Jésus, il est certain que Jésus-Christ est pour chaque homme en particulier, qui le possède, aussi véritablement le fruit et l’œuvre de Marie, que pour tout le monde en général; en sorte que, si quelque fidèle a Jésus-Christ formé dans son cœur, il peut dire hardiment: "Grand merci à Marie, ce que je possède est son effet et son fruit, et sans elle je ne l’aurais pas". »
(Traité de la vraie dévotion § 33)
Le concile, comme Montfort, dit que l’Incarnation a fait de Marie notre mère dans l’ordre de la grâce, et ceci de manière définitive, jusqu’à la fin des temps :
« A partir du consentement qu’elle apporta par sa foi au jour de l’Annonciation et qu’elle maintint dans sa fermeté sous la croix, cette maternité de Marie dans l’économie de la grâce se continue sans interruption jusqu’à la consommation définitive de tous les élus. »
(Lumen gentium 62)
Pour le Concile, comme pour Montfort, c'est donc «dans la lumière» de l'Incarnation qu'il faut chercher à découvrir Marie, et aussi l'Église. De plus, il faut souligner la force de l'expression «mystère suprême» (summum mysterium). De plus, il s’agit bien d’aller à Jésus par Marie et par elle de devenir « conforme » à Jésus-Christ, l’époux de l’Eglise :
«En se recueillant avec piété dans la pensée de Marie qu'elle contemple dans la lumière du Verbe fait homme, l'Église pénètre plus avant dans le mystère suprême (summum mysterium) de l'Incarnation et devient sans cesse plus conforme à son Époux.»
(Lumen gentium 65)
Le concile exhorte les chrétiens à faire l’expérience de la maternité spirituelle de Marie :
« La vraie dévotion procède de la vraie foi, qui nous conduit à reconnaître la dignité éminente de la Mère de Dieu, et nous pousse à aimer cette Mère d'un amour filial, et à poursuivre l'imitation de ses vertus. »
(Lumen gentium 67)
Jean-Paul II a souvent parlé de l'influence profonde et décisive que saint Louis-Marie avait exercé sur lui[1].
Cette influence se reconnaît dans sa devise "Totus tuus" qui vient du Traité[2] et qui signifie l'appartenance totale à Jésus par Marie.
De même, ses armoiries pontificales symbolisent la Croix de Jésus et Marie près de la Croix, elles renvoient au texte de l'Evangile (Jn 19,25-27) qui est au cœur de toute la doctrine montfortaine: la parole du Rédempteur adressée à sa Mère et à son Disciple bien-aimé, parole créatrice d'alliance: "voici ton fils/voici ta Mère" (Jn 19,26-27). Louis-Marie s'est profondément identifié avec ce disciple recevant de Jésus le don de Marie: "A partir de cette heure, le disciple la prit chez lui"[3].
La principale caractéristique de saint Louis-Marie est son puissant christocentrisme, ce même christocentrisme qui anime tout le pontificat de Jean-Paul II, depuis les premiers mots de son Encyclique-programme: "Jésus-Christ, le Rédempteur de l'Homme, est le Centre du Cosmos et de l'Histoire" (Redemptor Hominis, n°1).
Jean Paul II nomme saint Louis-Marie dans l'Encyclique Redemptoris Mater en se référant à son Traité (n° 48). Plus généralement, l’encyclique Redemptoris Mater reprend de nombreux enseignements de Montfort (qui sont aussi ceux du concile) :
- L'intervention trinitaire pour l'Incarnation elle-même (RM 1,9) et les conséquences qui en découlent pour Marie (RM 8-9);
- Le fait que «la réalité de l'Incarnation trouve pour ainsi dire son prolongement dans le mystère de l'Église-Corps du Christ. Et l'on ne peut penser à la réalité même de l'Incarnation sans évoquer Marie, Mère du Verbe incarné» (RM 5);
- Le fait que l'action de Marie sur nous est étroitement liée à sa maternité envers Jésus (RM 38), et donc que sa maternité spirituelle s'enracine dans l'Incarnation (RM 20)...
Et aussi :
Jean Paul II affirme que saint Louis-Marie de Montfort est "un théologien de classe"[4].
Il a rédigé sa lette aux familles montfortaines, et y présente l'enseignement de saint Louis-Marie à la lumière de Vatican II, Lumen gentium VIII.
D’une manière plus brève, il dit aussi :
« Tout à travers Marie ! Telle est l’interprétation authentique de la présence de la Mère de Dieu dans le mystère du Christ et de l’Eglise, comme le proclame le chapitre VIII de la constitution Lumen Gentium. Cette interprétation correspond à la tradition des saints, comme Bernard de Clairvaux, Grignion de Montfort, Maximilien Kolbe. »
(Jean Paul II, Homélie à Jasna Gora, 4 juin 1979)
Montfort, Vatican II et Jean Paul II et l'Incarnation [1]Cf. En particulier le discours prononcé par le Saint Père le 13 octobre 2000 (Osservatore Romano du 14 octobre), en réponse aux paroles de Monseigneur François Garnier, Evêque de Luçon, demandant pour saint Louis-Marie le titre de Docteur de l'Eglise. Jean-Paul II a souvent parlé de l'influence décisive du Traité sur sa propre vie (cf. par exemple le livre de A. FROSSARD: N'ayez pas peur, Paris, 1982, ed. Robert Laffont, p. 184-186).
Montfort, Vatican II et Jean Paul II et l'Incarnation [2] "Tuus totus ego sum, et omnia mea tua sunt: Je suis tout à vous, et tout ce que j'ai vous appartient, ô mon aimable Jésus, par Marie, votre Mère" (Saint Louis-Marie, Traité § 233).
Montfort, Vatican II et Jean Paul II et l'Incarnation [3]Une des références les plus significatives à ce texte de l'Evangile se trouve dans la prière que Louis-Marie adresse à Jésus. C'est en obéissant à sa parole qu'il ne cesse d'accueillir Marie et de se donner à elle: "Je l'ai mille et mille fois prise pour tout mon bien avec saint Jean l'Évangéliste, au pied de la croix et je me suis autant de fois donné à elle; mais, si je ne l'ai pas encore bien fait selon vos désirs, mon cher Jésus, je le fais maintenant comme vous le voulez que je fasse" (SM 66).
Montfort, Vatican II et Jean Paul II et l'Incarnation [4] Jean Paul II, «Ma vocation, don et mystère» (Bayard Éditions, Cerf, Fleurus, Mame, Téqui, 1996) p.38.
Synthèse par F. Breynaert
Lire plus sur saint Louis-Marie de Montfort