La mission des baptisés dans le développement du dogme

La mission des baptisés dans le développement du dogme

Concernant les dogmes récents, et face aux preuves caduques et aux incertitudes qui ont pu être vulgarisées dans certains ouvrages de mariologie, Emile Neubert nous offre de précieux repères. Il nous montre comment :

« Le peuple fidèle, en contemplant d'une vue d'ensemble la figure de la Vierge telle qu'elle lui apparaissait dans l'Evangile, devina peu à peu, sous la direction de l'Esprit Saint, ce que l'amour filial de Jésus a fait pour sa Mère, et comment il a voulu partager avec elle ses fonctions et ses privilèges, dans la mesure où, pure créature et femme, elle était capable d'y participer. »[1]

Dans ce contexte, le théologien a la charge non pas de découvrir les vérités mariales, mais d'en élaborer la doctrine, de mettre en relief les relations de réciprocité des vérités entre elles, de les apprécier avec largesse d'esprit, avec amour de la vérité, avec humilité, dans une intime union avec Dieu. Il en fera l'exposition ordonnée, il les défendra et établira la démonstration[2]. [...]

Puis Emile Neubert s'appuie sur les paroles de Jésus, annonçant la venue de l'Esprit de vérité :

« J'ai encore bien des choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les comprendre à présent. Mais quand il sera venu, lui l'Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité toute entière ; il ne parlera pas de lui-même, mais tout ce qu'il entend, il le dira, et il vous fera connaître les choses à venir. Celui-là me glorifiera, parce qu'il prendra du mien et vous l'annoncera. » (Jn 16, 12-14.)

[...]

[Emile Neubert accorde une importance particulière au peuple de Dieu dans toute son œuvre mais il distingue le dogme de la maternité divine, dogme tout à fait explicite et arrêté, des autres vérités qui vont prendre progressivement de l'importance dans la croyance universelle[3].]

L'importance accordée au peuple de Dieu rejoint d'une manière originale l'esprit des affirmations du Concile Vatican II, dans sa constitution Lumen Gentium. Il a le mérite de faire valoir cette mission des baptisés sous l'angle de l'enseignement dogmatique.

Guidé par l'Esprit Saint, le peuple de Dieu reçoit la mission d'accueillir le dépôt de la foi et de toute sa vérité. La piété populaire peut être remise en honneur dans ce contexte comme un élément décisif de discernement pour le développement du dogme marial. Cette expression n'est pas au goût du jour dans le contexte de la recherche théologique qui a suivi le Concile Vatican II, plus soucieuse et à juste titre, de dialogue œcuménique, garde sa pertinence. La distance de plusieurs siècles est nécessaire pour offrir un terme final aux recherches dogmatiques qui ne sont pas apparues mûres dans un premier temps pour des définitions à portée universelle.

L'histoire des dernières définitions des dogmes mariaux justifie un accroissement d'humilité sur cette question. Elle nous aide à ne pas conclure trop hâtivement sur des dossiers de discussion théologique que la piété populaire n'a pas fermée pour autant. [...] Nous pouvons relire cette remarque toute d'actualité qu'il fit dans son introduction à De la découverte progressive des grandeurs de Marie :

« Pendant des siècles, le peuple fidèle a professé des vérités mariales qu'il s'était contenté de contempler, d'admirer et de vivre. Puis des théologiens commencèrent à s'en occuper, dont plusieurs d'entre eux, et non des moindres, se mirent d'abord à les combattre en s'appuyant sur certains textes. Heureusement, d'autres théologiens vinrent, qui montrèrent l'inanité des objections des premiers et la croyance traditionnelle triompha. »[4]


[1] Emile Neubert, De la découverte progressive des grandeurs de Marie, application au dogme de l'Assomption, Paris 1951, p. 8.

[2] Ibid., pp. 63 ss.

[3] Ibid., pp. 176.

[4] Ibid., p. 1.


Extraits de :

Jean-Louis Barré, La mission de la Vierge Marie, d'après les écrits d'Emile Neubert (1878-1967).

Editions Trinacria, Gosselie (Belgique) 2008, p. 185-188.