Il s’agit ici de considérations de nature plutôt conjecturale.
C’est mon impression qu’il y ait quelques analogies entre Ga 4,4-7 et Lc 1,24.26-38.
Je répète: nous serions en présence d’analogies et il resterait à prouver un éventuel contact de la tradition de saint Paul avec celle de saint Luc.
Voici trois confluences:
a) La dimension trinitaire
Saint Paul atteste que le Père envoie le Fils, et en nous envoyant l’Esprit de son Fils, il nous donne l’adoption divine. (Gal 4,4-7).
Saint Luc, de son côté révèle que Dieu le Père, au moyen par l’ange Gabriel propose à Marie de devenir la mère de son Fils, le Fils du Très-Haut, en vertu de l’Esprit Saint (Lc 1,26.31-35).
b) Incarnation et Résurrection
Comme nous l’avons déjà expliqué, en Gal 4,4-7 l’œuvre messianique-rédemptrice du Christ se situe entre les deux extrêmes: la naissance et le mystère pascal.
Il en est de même en Lc 1,31-33. L’ange annonce d’abord l’incarnation, dans le sens que Marie concevra l’Enfant, elle le mettra au monde et il lui donnera le nom de Jésus (Lc 1,31), puis la résurrection: en effet c’est en ressuscitant d’entre les morts que Jésus héritera du trône de David son Père et qu’il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, qui maintenant est l’Église. (Lc 1,32-33) (1)
c) « La plénitude du temps »
L’envoi du Fils de la part du Père - selon Gal 4,4 - est un fait historique qui s’insère à la fin d’une longue préparation, disposée par le Père.
De même aussi chez Luc, le moment de l’incarnation à Nazareth, semble être situé au point terminal d’un itinéraire d’étapes historiques. C’est ce que Luc semble vouloir dire, quand il écrit qu’Elisabeth, après avoir conçu Jean, se tint cachée pendant « cinq » mois (Lc 1,24) alors que l’ange Gabriel fut envoyé à Marie le « sixième » mois (Lc 1,26).
Quelques pères de l’Eglise voyaient dans les cinq mois d’Elisabeth les cinq grandes époques ou millénaires de préparation tandis que le sixième âge ou le sixième millénaire commence avec l’incarnation de Christ.
Par exemple, Pierre Damien († l072) commentait Luc 1 en lien avec Gal 4,4 :
« De même en vérité que le fruit des vignes est attendu durant toute l’année, mais n’est vendangé seulement qu’en automne, de même notre Rédempteur - signifié d’avance par la loi, annoncé par les prophètes, attendu avec un désir ardent par tous les saints, depuis Adam jusqu’à l’accomplissement du cinquième âge - est advenu seulement au temps de Marie… Ainsi est-il dit par l’apôtre : "Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sous la loi…" (Gal 4,4) » (3)
(1) LEGRAND L., L’Annonce à Marie (Lc 1,26-38). Une apocalypse aux origines de l’Evangile, Du Cerf, Paris (1981), pp. 153-215, p. 191.
(2) Au sujet des 5-6 étapes ou millénaires qui vont d’Adam au Christ, voici quelques références : pour Lc 1,24.26: Augustin (+ 430), De diversis quaestionibus octoginta tribus capitula, 58, 1-3. De lohanne Baptista (CCL 44/A, p. 104-109); Beda (+ 735), In Lucam I, a 1,25 (CCL 120, p. 29-30); Scrittori Irlandesi minori (780-785 ca.), Commentarius in Lucam I, a 1,24.26 (CCL 1O8/C, p. 6-7); pseudo-Jérôme (sec. VII- VIII, di origine irlandese), Expositio in Evangelium secundum Lucam (PL 30,586); Glossa Ordinaria (PL 114,246); Thomas d’Aquin, († 1274), Catena aurea in quatuor Evangelia. In Lucam et Joannem. In Lucam, cap.I (vol.ll, Typis P.Fiaccadori, Panna e 1862, p. 9)…
(3) In Nativitate Sanctae Mariae serma secundus, 13 (CCLM 57, p.284)
A.SERRA
Extraits de A.SERRA Gal 4,4 Una mariologia in germe,
in Theotokos I (1993/2) pp. 7-25, p.20-22