Saint Louis-Marie de Montfort a expliqué que la parfaite dévotion à Marie consiste à se donner à elle. Il explique ici pourquoi une telle démarche est excellente.
C'est imiter Dieu et honorer Jésus-Christ
35. Il me faudrait beaucoup de lumières pour décrire parfaitement l'excellence de cette pratique, et je dirai seulement en passant:
Que se donner ainsi à Jésus par les mains de Marie, c'est imiter Dieu le Père qui ne nous a donné son Fils que par Marie, et qui ne nous communique ses grâces que par Marie;
c'est imiter Dieu le Fils qui n'est venu à nous que par Marie, et qui, nous ayant donné l'exemple pour faire comme il a fait, nous a sollicités à aller à lui par le même moyen par lequel il est venu à nous, qui est Marie;
c'est imiter le Saint-Esprit qui ne nous communique ses grâces et ses dons que par Marie. N'est-il pas juste que la grâce retourne à son auteur, dit saint Bernard, par le même canal par lequel elle nous est venue?
36. Aller à Jésus-Christ par Marie, c'est véritablement honorer Jésus-Christ, parce que c'est marquer que nous ne sommes pas dignes d'approcher de sa sainteté infinie directement par nous-mêmes, à cause de nos péchés, et que nous avons besoin de Marie, sa Mère, pour être notre avocate et notre médiatrice auprès de lui, qui est notre médiateur. C'est en même temps s'approcher de lui comme de notre médiateur et notre frère, et nous humilier devant lui comme devant notre Dieu et notre juge: en un mot, c'est pratiquer l'humilité qui ravit toujours le cœur de Dieu...
C'est devenir agréable à Dieu
37. Se consacrer ainsi à Jésus par Marie, c'est mettre entre les mains de Marie nos bonnes actions qui, quoiqu'elles paraissent bonnes, sont très souvent souillées et indignes des regards et de l'acceptation de Dieu devant qui les étoiles ne sont pas pures.
Ah! prions cette bonne Mère et Maîtresse que, ayant reçu notre pauvre présent, elle le purifie, elle le sanctifie, elle l'élève et l'embellisse de telle sorte qu'elle le rende digne de Dieu.
Tous les revenus de notre âme sont moindres devant Dieu, le Père de famille, pour gagner son amitié et sa grâce, que ne serait devant le roi la pomme véreuse d'un pauvre paysan, fermier de sa Majesté, pour payer sa ferme.
Que ferait le pauvre homme, s'il avait de l'esprit et s'il était bien venu auprès de la reine?
Amie du pauvre paysan et respectueuse envers le roi, n'ôterait-elle pas de cette pomme ce qu'il y a de véreux et de gâté et ne la mettrait-elle pas dans un bassin d'or entouré de fleurs; et le roi pourrait-il s'empêcher de la recevoir, même avec joie, des mains de la reine qui aime ce paysan...
Modicum quid offerre desideras? manibus Mariae tradere cura, si non vis sustinere repulsam. Si vous voulez offrir quelque chose à Dieu, dit saint Bernard, mettez-[le] dans les mains de Marie, à moins que vous ne vouliez être rebuté.
38. Bon Dieu que tout ce que nous faisons est peu de chose ! Mais mettons-le dans les mains de Marie par cette dévotion.
Comme nous nous serons donnés tout à fait à elle, autant qu'on se peut donner, en nous dépouillant de tout en son honneur,
elle nous sera infiniment plus libérale, elle nous donnera "pour un oeuf un boeuf",
elle se communiquera toute à nous avec ses mérites et ses vertus; elle mettra nos présents dans le plat d'or de sa charité;
elle nous revêtira comme Rébecca fit Jacob, des beaux habits de son Fils aîné et unique Jésus- Christ, c'est-à-dire de ses mérites qu'elle a à sa disposition:
et ainsi, comme ses domestiques et esclaves, après nous être dépouillés de tout pour l'honorer, nous aurons doubles vêtements: Omnes domestici ejus vestiti sunt duplicibus: vêtements, ornements, parfums, mérites et vertus de Jésus et Marie dans l'âme d'un esclave de Jésus et Marie dépouillé de soi-même et fidèle en son dépouillement.
C'est agir en sûreté
39. Se donner ainsi à la Vierge, c'est exercer dans le plus haut point qu'on peut la charité envers le prochain, puisque se faire volontairement son captif, c'est lui donner ce qu'on a de plus cher, afin qu'elle en puisse disposer à sa volonté en faveur des vivants et des morts.
40. C'est par cette dévotion qu'on met ses grâces, ses mérites et vertus en sûreté, en faisant Marie la dépositaire et lui disant: "Tenez, ma chère Maîtresse, voilà ce que, par la grâce de votre Fils, j'ai fait de bien; je ne suis pas capable de le garder à cause de ma faiblesse et de mon inconstance, à cause du grand nombre et de la malice de mes ennemis qui m'attaquent jour et nuit.
Hélas! si l'on voit tous les jours les cèdres du Liban tomber dans la boue, et des aigles, s'élevant jusqu'au soleil, devenir des oiseaux de nuit; mille justes de même tombent à ma gauche et dix mille à ma droite, mais, ma puissante et très puissante Princesse, gardez tout mon bien, de peur qu'on ne me le vole, tenez-moi, de peur que je ne tombe; je vous confie en dépôt tout ce que j'ai: Depositum custodi. - Scio cui credidi. Je sais bien qui vous êtes, c'est pourquoi je me confie tout à vous; vous êtes fidèle à Dieu et aux hommes, et vous ne permettrez pas que rien ne périsse de ce que [je] vous confie; vous êtes puissante, et rien ne peut vous nuire, ni ravir ce que vous avez entre les mains.
"Ipsam sequens non devias; ipsam rogans non desperas; ipsam cogitans non erras; ipsa tenente, non corruis; ipsam protegente, non metuis; ipsa duce, non fatigaris; ipsa propitia, pervenis (Saint Bernard, Inter flores, cap. 135.) Et ailleurs: Detinet Filium ne percutiat; detinet diabolum ne noceat; detinet virtutes ne fugiant; detinet merita ne pereant; detinet gratiam ne effluat. Ce sont les paroles de Saint Bernard qui expriment en substance tout ce que je viens de dire. Quand il n'y aurait que ce seul motif pour m'exciter à cette dévotion, comme [étant] le moyen de me conserver et augmenter même dans la grâce de Dieu, je ne devrais respirer que feu et flammes pour elle.
C'est vivre vraiment libre
41. Cette dévotion rend une âme vraiment libre de la liberté des enfants de Dieu.
Comme pour l'amour de Marie, on se réduit volontairement en l'esclavage, cette chère Maîtresse, par reconnaissance, élargit et dilate le cœur, et fait marcher à pas de géant dans la voie des commandements de Dieu.
Elle ôte l'ennui, la tristesse et le scrupule.
Ce fut cette dévotion que Notre-Seigneur apprit à la chère Agnès de Langeac, religieuse morte en odeur de sainteté, comme un moyen assuré pour sortir des grandes peines et perplexités où elle se trouvait: "Fais-toi, lui dit-il, esclave de ma Mère et prends la chaînette"; ce qu'elle fit; et dans le moment, toutes ses peines cessèrent.
42. Pour autoriser cette dévotion, il faudrait rapporter ici toutes les bulles et les indulgences des papes et les mandements des évêques en sa faveur, les confréries établies en son honneur, l'exemple de plusieurs saints et grands personnages qui l'ont pratiquée; mais je passe tout cela sous silence...
Saint Louis Marie Grignion de Montfort,
Le Secret de Marie, § 35-42