"Je ne cherche pas à comprendre afin de croire, mais je crois afin de comprendre. Car je crois ceci - à moins que je crois, je ne comprendrai pas. "
Saint Anselme est vraiment un homme européen : il est né en Italie, il a ensuite été abbé du Bec, en France, et il est ensuite devenu archevêque de Canterbury, en Angleterre. Par sa culture, en tant qu'éducateur, et en tant que prêtre, c'était un Européen". Saint Anselme, que l'on a souvent présenté comme un relais théologique important entre saint Augustin et saint Thomas, est resté fameux pour les "Preuves de l'existence de Dieu", de son "Monologion" et de son "Proslogion".
De son abbaye béndictine normande à l'archevéché de Canterbury
Né à Aoste, en Piémont, Anselme s'est fait bénédictin à l'abbaye normande du Bec. Il devint abbé du Bec avant de succéder à Lanfranc comme archevêque de Canterbury. Mais son opposition à Guillaume le Roux qui empiétait sur les biens de l'Eglise lui valut l'exil. En 1098, il participa au concile de Bari et, à la demande du pape, s'employa à dissiper les doutes théologiques soulevés par les évêques italo-grecs. A la mort de Guillaume le Roux, et sur l'invitation du nouveau roi, Henri 1er, il regagna son siège de Cantorbéry. Mais la querelle des investitures allait de nouveau l'opposer au souverain anglais. En effet, depuis le IXe siècle, l'investiture des abbés et des évêques étaient conférés par les princes - laïcs -, la consécration ecclésiastique était seconde. Cet usage confinait parfois à la simonie, ou en tous cas, elle constituait une ingérence dans le gouvernement de l'Eglise.
Un second exil se solda par un retour triomphal en 1106. Son secrétaire, Eadmer, un jeune moine de Christ Church, à Canterbury, a laissé à la postérité la biographie du saint. Celui-ci a été proclamé docteur de l'Eglise en 1720. Abbé bénédictin de -Marie du Bec, en Normandie (1078), il devient archevêque de Canterbury en 1093 et fut, quelque temps, exilé.
La connaissance, bien que nécessaire pour croire, n’est ni l’origine ni l’achèvement de la foi, car, à son tour, elle doit se transformer en amour et en contemplation de Dieu
Selon sa théologie, la connaissance, bien que nécessaire pour croire, n’est ni l’origine ni l’achèvement de la foi, car, à son tour, elle doit se transformer en amour et en contemplation de Dieu (Monologion). Mais c’est dans le Proslogion qu’Anselme pense atteindre ce but par l’argument de la preuve ontologique. Cette " preuve " est au point de départ de la controverse sur l’existence de Dieu qui traversa la philosophie jusqu’à Hegel et la théologie jusqu’à K. Barth (Dictionnaire Encyclopédique Larousse, 1979). Saint Anselme de Canterbury soutient qu'il est possible de concilier la foi et les principes de la logique et de la dialectique. En qualité de primat d'Angleterre, il s'attaque à la corruption du clergé et à l'invasion du pouvoir laïque, au point de se trouver en conflit avec le roi Guillaume II "le Roux", ainsi qu'avec son successeur, Henri II, qui finit par l'exiler.
Le théologien le plus important du XIe siècle et le père de la philosophie scolastique
Il est tenu par beaucoup pour le théologien le plus important du XIe siècle et pour le père de la philosophie scolastique, convaincu que la foi elle-même pousse à une compréhension rationnelle plus intelligente (fides quaerens intellectum). La foi est un don et un point de départ et aucun argument rationnel ne peut la renverser et la détruire, ni lui nuire. La raison vraie conduit nécessairement aux vérités de la foi.
Dans le Proslogion il définit Dieu comme :
« ce qui est tel qu’a priori rien de plus grand (de plus parfait) ne peut être pensé ».
Celui qui cherche à comprendre si Dieu existe, peut comprendre ce principe parce qu’il se trouve dans son intelligence. Si l’on admet à présent que ce qui est plus parfait n’est pas seulement pensé mais qu’en plus, il existe en réalité a priori, alors doit exister nécessairement "ce qui est tel qu’on ne peut rien penser a priori de plus parfait". Saint Anselme de Canterbury étend l’argument en constatant que, d’après la définition de départ de Dieu la non-existence d’un tel être est inconcevable, car ce qui existe nécessairement, est plus parfait que quelque chose dont la non-existence peut être pensée, et qui existe donc par contingence. L’argument de Saint Anselme de Canterbury fut âprement discuté tout au long du Moyen Age.
Le principe de la circumincession, pour aborder le mystère de la Trinité
Il insiste sur le fait que ce qui est créé ne peut se maintenir dans l’être par soi-même (il a besoin de Dieu pour cela) et sur le fait que l’âme humaine est une image de Dieu, qui possède 3 facultés principales : mémoire (memoria), intelligence (intelligentia), et amour (amor). Elle a été créée pour aimer Dieu comme le souverain bien. Dans le "Dialogue sur la Vérité", il décrit 3 niveaux de vérité :
- les vérités éternelles en Dieu (les Idées),
- la vérité des choses qui repose sur la concordance avec la vérité divine,
- la vérité de la pensée et de l'énoncé qui se trouve dans la concordance avec les choses.
«Ainsi la vérité de l’être des choses est à la fois
l’effet de la vérité suprême et, en même temps,
le fondement de cette vérité qui vient à la connaissance, et à la vérité contenue dans l’énoncé [...]».
Sa définition la plus courte de la vérité est :
« La vérité est la rectitude qui seule est compréhensible par l’esprit (veritas est rectitudo mente solo perceptibilis)».
La rectitude rapportée à l’homme signifie selon lui que l’homme tout entier - avec sa pensée, son comportement, et sa volonté - se tourne vers l’éternel fondement qui est Dieu, et qu’il s’engage dans l’être juste qui rend possible la rencontre avec la vérité.
Saint Anselme de Canterbury a aussi formulé le principe que dans Dieu tout est un, excepté pour les différences des relations entre les 3 personnes de la Trinité. Ce principe est la théologie de base pour la doctrine de l'habitation mutuelle des 3 personnes divines, la "circumincession" :
-le Père est dans le Fils, le Fils est dans le Père Jn.10:37-38, 14:10-11, 17:21,
- le Saint-Esprit est dans le Fils Jn.3:34 et le Père 1Co.2:10-11,
- et le Fils et le Père sont dans le Saint-Esprit, Ep.2:21-22, Jn.14:23.
Le principe de la circumincession a été adopté au concile de Florence en 1442.
Saint Anselme, d'une grande piété mariale, a beaucoup préché sur la Vierge Marie
Dans son "De conceptu virginali et originali peccato", il écrit entre autre :
"Il convenait que cette Vierge à qui le Père se disposait à donner son Fils unique, ce Fils engendré de son cœur, égal à lui et qu'il aime comme lui-même, qu'il voulait lui donner de sorte qu'il fût naturellement un seul et même Fils, commun à Dieu et à la Vierge, il convenait que cette Vierge fût ornée de la plus haute sainteté qui se puisse concevoir après celle de Dieu."
C'est aussi dans les écrits de saint Anselme que l'on trouve l'une des premières traces (1) de la dévotion aux douleurs de la Vierge, à la fin du XI siècle. Il écrit ainsi :
" Votre peine, Vierge sacrée, a été la plus grande qu'une pure créature ait jamais endurée ; car toutes les cruautés que nous lisons que l'on a fait subir aux martyrs, ont été légères et comme rien en comparaison de votre douleur. Elle a été si grande et si immense, qu'elle a crucifié toutes vos entrailles et a pénétré jusque dans les plus secrets replis de votre coeur. Pour moi, ma très pieuse Maîtresse, je suis persuadé que vous n'auriez jamais pu en souffrir la violence sans mourir, si l'esprit de vie de votre aimable Fils, pour lequel vous souffriez de si grands tourments, ne vous avait soutenue et fortifiée par sa puissance infinie " (saint Anselme : " De l'exercice de la Vierge ", I 5).
(1) On en trouve trace aussi dans les écrits de saint Pierre Damien (mort en 1072), de saint Anselme (mort en 1109), d'Eadmer de Cantorbéry (mort en 1124), de saint Bernard (mort en 1153) et de moines bénédictins et cisterciens qui méditent le passage de l'Evangile qui montre Marie et Jean au pied de la Croix (Evangile selon saint Jean, XIX 25-27).