Elle avait la coutume (qui existe du reste entre ceux qui s'aiment) de reporter tout ce qui lui paraissait beau et agréable vers son Bien-Aimé.
Aussi, lorsqu'elle entendait lire ou chanter en l'honneur de la bienheureuse Vierge et des autres saints des paroles qui excitaient son affection, c'était vers le Roi des rois, son Seigneur choisi entre tous et uniquement aimé, plutôt que vers les saints dont on faisait mémoire, qu'elle dirigeait les élans de son cœur.
Il arriva, en la solennité de l'Annonciation, que le prédicateur se plut à exalter la Reine du ciel et ne fit pas mention de l'incarnation du Verbe, œuvre de notre salut. Celle-ci en éprouva de la peine et, passant après le sermon devant l'autel de la Mère de Dieu, elle ne ressentit pas, en la saluant, la même tendresse douce et profonde, mais son amour se porta par contre avec plus de force vers Jésus, le fruit béni du sein de la Vierge :
"Ne crains rien, ô ma bien-aimée, dit Jésus, car il est très agréable à la Mère, qu'en chantant ses louanges et sa gloire, tu diriges vers moi ton attention. Cependant, puisque ta conscience te la reproche, aie soin, lorsque tu passeras devant l'autel, de saluer dévotement l'image de ma Mère immaculée et de ne pas saluer mon image.
- O mon Seigneur et unique Bien, s'écria-t-elle, jamais mon âme ne pourra consentir à délaisser celui qui est mon salut et sa vie pour diriger ailleurs ses affections et son respect."
Le Seigneur lui dit avec tendresse : "O ma bien-aimée, suis mon conseil ; et chaque fois que tu auras paru me délaisser pour saluer ma Mère, je te récompenserai comme si tu avais accompli un acte de cette haute perfection par laquelle un cœur fidèle n'hésite pas à m'abandonner, moi qui suis le centuple des centuples, afin de me glorifier davantage."
Le Lis blanc de la Trinité ...
Le lendemain, à l'heure de la prière, la Vierge Marie lui apparut sous la forme d'un lis magnifique éclatant de blancheur. Ce lis était composé de trois feuilles, dont l'une, droite, s'élevait au milieu et les deux autres étaient recourbées de chaque côté.
Elle comprit par cette vision que la bienheureuse Mère de Dieu est appelée à bon droit "Lis blanc de la Trinité", car elle a participé plus que toute créature aux vertus divines et ne les a jamais souillées par la moindre poussière du péché.
La feuille droite représentait la toute-puissance du Père, et les deux feuilles inclinées figuraient la sagesse du Fils et la bonté du Saint-Esprit, vertus que la bienheureuse Vierge possédait à un degré éminent.
La Mère de miséricorde dit encore que celui qui la proclamerait "lis blanc de la Trinité, Rose éclatante qui embellit le ciel", expérimenterait le pouvoir que la toute-puissance du Père lui a communiqué comme Mère de Dieu : il admirerait les ingénieuses miséricordes que la sagesse du Fils lui a inspirées pour le salut des hommes ; il contemplerait enfin l'ardente charité allumée dans son cœur par l'Esprit-Saint :
"A l'heure de sa mort, ajouta la bienheureuse Vierge, je me montrerai à lui dans l'éclat d'une si grande beauté que ma vue le consolera et lui communiquera les joies célestes".
Depuis ce jour, celle-ci résolut de saluer la Vierge Marie ou les images qui la représentent par ces mots :
"Salut, ô blanc Lis de la Trinité resplendissante et toujours tranquille.
Salut, ô Rose de beauté céleste !
C'est de vous que le Roi des cieux a voulu naître; c'est de votre lait qu'il a voulu être nourri ; daignez aussi nourrir nos âmes des divines influences."
( Gertrude d'Helfa, Le Héraut de l'Amour divin, t. I, Tours, Mame, 1921)