Benoît XVI dit en peu de mots : « Jésus lui-même a pris la place du Temple. Il est, lui, le nouveau Temple »[1].
Il convient d'approfondir ce thème, en mettant nos pas dans les pas des disciples qui découvrent progressivement le mystère.
Contexte historique, pluralisme juif concernant la miséricorde.
Tous les courants du judaïsme, même après la chute du temple en l'an 70, confessent un Dieu miséricordieux, lent à la colère et plein d'amour.
Et cependant, il y a des nuances importantes :
pour les uns le temple est un dispositif suffisant, une institution solide et complète,
mais pour d'autres, si l'homme en vient à refuser Dieu, par respect pour le refus que l'homme lui opposait, Dieu se retirerait dans le ciel avec son Temple et sa Torah, on aspirerait donc, sans doute confusément, à un « nouveau temple non fait de mains d'homme ».
« Tes péchés te sont remis » : Jésus, lieu du pardon.
Luc, comme Marc et Matthieu, a l'épisode du paralytique avec la parole : « tes péchés te sont remis » (Mt 9, 5 // Lc 5, 20 // Mc 2, 1-12) ainsi que les paroles similaires en Jn 5 et Jn 7. C'est un texte clé et il ne faut pas séparer la parole du miracle qu'elle accompagne.
Le pardon que Jésus donne, - et l'on pourrait prendre aussi l'épisode de Zachée, ou celui du paralytique en Jn 5 ou de la femme adultère en Jn 8- , ce n'est pas un pardon à refaire tous les ans en la fête du Yom Kippour, c'est un changement radical, une re-création, une petite résurrection.
Les épis arrachés. « Il y a ici plus grand que le Temple »
Les prêtres sont dispensés du Shabbat parce qu'ils sont dans le Temple. Jésus permet d'écraser les épis, de "faire de la cuisine" le jour du Shabbat comme font les prêtres au Temple car "Il y a ici plus grand que le Temple" (Mt 12,1-8). Autrement dit, Jésus se dit plus grand que le Temple. Ce qui confirme la signification de l'épisode du paralytique.
« Adorer en Esprit et en vérité »
Jésus, sur qui demeure l'Esprit et qui baptisera dans l'Esprit Saint (Jn 1,33) annonce à Nicodème des adorateurs nés de l'Esprit (Jn 3,5-8), et propose à la Samaritaine d'« adorer en Esprit et en vérité » (Jn 4, 24).
« En esprit et en vérité » peut se lire « en Esprit de La Vérité », c'est à dire dans l'Esprit Saint de Jésus : adorer le Père en Jésus.
Jésus est le lieu de l'adoration, le nouveau Temple.
L'annonce de la fin du temple de pierres.
Nous lisons dans l'Evangile de Matthieu :
« Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes... et vous n'avez pas voulu! Voici que votre maison va vous être laissée déserte » (Mt 23, 37-38).
Benoît XVI commente :
« Dieu s'en va. Le Temple n'est plus le lieu où il a mis son Nom. Il sera vide ; maintenant il est seulement "votre maison". Cette parole de Jésus trouve un surprenant parallèle dans Flavius Josèphe, l'historiographe de la guerre des Juifs.[2] [...] La parole de la "maison déserte" n'annonce pas encore directement la destruction du Temple, mais certainement sa fin intrinsèque, la fin de sa signification comme lieu de rencontre entre Dieu et l'homme. » [3]
Nous lisons encore, à propos du temple, dans le discours eschatologique :
« il ne restera pas ici pierre sur pierre qui ne soit jetée bas » (Mt 24, 2).
Benoît XVI commente :
« Nous ne voulons pas ici examiner dans quelle mesure le discours eschatologique de Jésus dans ses détails mêmes correspond à ses propres paroles. Qu'il ait annoncé à l'avance la fin du Temple - et précisément sa fin théologique, historico-salvifique-, cela ne fait pas de doute. Nous en avons confirmation, à côté du discours eschatologique, surtout par la parole concernant la maison laissée déserte (Mt 23, 37s ; Lc 13, 34), et par la parole concernant les faux témoins pendant le procès de Jésus (cf. Mt 26, 61 ; 27, 40 ; Mc 14, 58 ; 15, 29 ; Ac 6, 14). » [4]
Les faux témoins prétendent que Jésus a dit qu'il détruirait le temple. Mais Jean rapporte la version exacte de ce qu'a dit Jésus : « détruisez ce temple » (Jn 2, 19). Jésus ne détruit rien, mais, comme Jérémie (Jr 7, 11-14), Jésus sait ce qui chasse la présence divine du temple.
Jésus lui-même a pris la place du Temple, il est le Temple, le lieu très saint de la présence de Dieu dans le Temple : le propitiatoire sur l'arche d'Alliance, l'instrument de propitiation, comme le dit saint Paul :
« Dieu l'a exposé, instrument de propitiation par son propre sang moyennant la foi » (Romains 3, 25).
Comprenons l'image : dans le Temple de pierre, le sang des animaux sacrifiés aspergeait le propitiatoire, touchant le lieu de la Présence... ; désormais c'est le sang de Jésus, vrai homme et vrai Dieu, qui relie l'homme à Dieu.[5]
L’Eglise primitive retourne au Temple différemment (Ac 2,46).
Les premiers chrétiens prient et enseignent au temple.
Cependant, l'Eglise célèbre :
Les chrétiens ne pratiquent plus les sacrifices du temple.
Dans les maisons, ils célèbrent la "fraction du pain", c'est-à-dire le sacrifice de Jésus.[6]
De plus, lors de la guerre juive, les chrétiens fuient (Mc 13, 14), ils ne prennent pas part à la défense du temple de pierre. Il y a pourtant parmi eux de nombreux prêtres juifs convertis au Christ. (Ac 6, 7)
[1] Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Jésus de Nazareth. De l'entrée à Jérusalem à la Résurrection. Parole et Silence, Paris 2011, p. 55
[2] De bello Iud. VI, 299s.
[3] Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Jésus de Nazareth. De l'entrée à Jérusalem à la Résurrection. Parole et Silence, Paris 2011, p. 42-43
[4] Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Ibid., p. 51
[5] Cf. Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Ibid., p. 55-56
[6] Cf. Joseph Ratzinger, Benoît XVI,Ibid., p. 52
Synthèse Françoise Breynaert