En dépassant les personnages qui l'ont précédé, le Serviteur souffrant apparaît tellement grand et saint, qu’il devient une figure messianique, mais d’une manière si discrète que Jésus surprendra encore.
Le Serviteur et Job
L’innocence du serviteur n’est pas exceptionnelle : Job aussi plaide innocent… Mais si la souffrance de Job ne justifie que lui-même en montrant la justice de ce dernier*, la souffrance du Serviteur justifie les multitudes (Isaïe 53, 11). Ce qui est tout à fait unique.
Le Serviteur, Ezéchiel et Jérémie
Jérémie (23, 1-8) et Ezéchiel 34 parlaient de la dispersion du peuple comme de brebis errantes, mais à cause des évènements politiques. Les brebis dispersées d’Isaïe 53, 6 sont errantes à cause du fait qu’elles suivent leurs voies, à cause de leur péché.
Ezéchiel porte les péchés de la maison d’Israël ou de la maison de Juda (Ez 4, 4-8). Le Serviteur porte les maladies et les péchés des multitudes.
Le Serviteur et Moïse
La traduction de la Bible de Jérusalem s’appuie sur le texte grec :
« De même que des multitudes avaient été saisies d'épouvante à sa vue, -- car il n'avait plus figure humaine, et son apparence n'était plus celle d'un homme, de même des multitudes de nations seront dans la stupéfaction, devant lui des rois resteront bouche close, pour avoir vu ce qui ne leur avait pas été raconté, pour avoir appris ce qu'ils n'avaient pas entendu dire. » (Isaïe 52, 14-15)
Isaïe 52, 14-15 dans l’original hébreu aurait pu être traduit littéralement :
« Son aspect n’était plus celui des humains, ainsi il aspergera des peuples nombreux ». (Isaïe 52, 14-15)
Ce qui veut dire :
Moïse avait scellé l’alliance en aspergeant la nation choisie avec le sang des agneaux (Ex 24, 6-8) ; le Serviteur aspergera les nations avec le sang de son martyr qui les purifiera.
C’est un sacrifice plus grand que celui de Moïse.
Le Serviteur est à la fois prêtre et victime. Il scelle une Alliance, il inaugure une libération, il est rédempteur.
Nous comprenons ainsi que « le grand chant du Serviteur de YHWH en Isaïe 53 est une parole en attente. Dans son contexte historique, on ne trouve aucune confirmation. Elle reste ainsi une question ouverte. » [1]
[1] J. RATZINGER, BENOIT XVI, L'enfance de Jésus, Flammarion, Paris 2012, p. 75.
Françoise Breynaert
A partir de : Pierre GRELOT, Les poèmes du serviteur, de la lecture critique à l’herméneutique,
Ed. du Cerf, 29 bd Latour-Maubourg, Paris, 1981, p. 165-166