Pour établir le droit
Chez Isa?e, la souffrance dont il s’agit est une souffrance liée à un effort mené pour établir le droit, pour répandre la lumière. Elle est le prolongement d’une action audacieuse et non pas d’une passivité résignée, mais une action qui est une mission reçue.
Une souffrance transformée
La souffrance est librement transformée : « s’il fait de sa vie un sacrifice » (Is 53, 10). L’expression « s’il fait de… » signifie s’il assume ce qui arrive, s’il le fait sien sans le subir passivement mais s’il le vit volontairement comme une fidélité à l’œuvre de justice et de lumière à laquelle il a été appelé. Sans cela, l’homme serait en révolte contre sa propre existence, il s’autodétruirait. Mais par cette première étape, l’homme commence une transfiguration de la souffrance.
Cette transfiguration ne sera véritablement accomplie que par Dieu lui-même, selon la théologie d’Isa?e où Dieu créée, recrée et transfigure.
Une souffrance offerte
La souffrance est offerte (ce qui est impliqué par l’idée de « sacrifice »), il s’agit de donner la vie et la souffrance à Dieu, c’est-à-dire vivre cette souffrance dans une relation à Dieu, de sorte que Dieu en fasse quelque chose qui lui appartient, lui confère ses propres qualités divines, transfigure la souffrance.
Qui n’en a pas fait l’expérience ? Par la souffrance, je peux découvrir la solidarité, je peux devenir à mon tour capable de compassion. Je peux apprendre que l’autre a son propre rythme et qu’un cheminement dans la durée résout nombre de paradoxes. Je peux apprendre la vanité des choses superficielles et centrer ma vie sur Dieu seul, sur la source incorruptible de l’Amour vrai. Bref, c’est Dieu qui peut agir dans les profondeurs de mon être, me purifier, me sanctifier.
Israël l’exprime ce mystère en disant que Dieu transforme le vermisseau en un traîneau à battre et son humble serviteur en la lumière des nations (Is 41,14-15 ; 42,6).
Le fruit de ce sacrifice est au bénéfice des autres hommes, pécheurs.
Est affirmée la possibilité de communiquer le bien entre les personnes. Ce bien est transmis par le témoignage : le serviteur souffrant témoigne de sa foi, il témoigne du Dieu de l’Alliance et son compagnonnage ineffable.
Rien de tel chez les idoles, divinités impersonnelles et pures constructions humaines au service d’un système social. Cependant on voit mal comment îles lointaines (Is 49,1) reçoivent ce témoignage, il y a donc déjà une dimension invisible dans la communication du bien entre les personnes, ce que nous appelons la communion des saints.
Le serviteur semble se substituer aux autres, portant nos souffrances et nos fautes (Is 53,4. 12). Cela ne peut pas être interprété au sens strict, nous existons et notre existence n’est pas substituable ; par contre, devant Dieu, l’attitude d’un homme peut mériter à notre place, et attirer pour nous la bénédiction.
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salut-ou-y-collaborer->Extrait de F. BREYNAERT, Vivre, souffrir, participer au salut ou y collaborer. Réflexions de théologie mariale., dans « Miles Immaculatae », Anno XLI, fasc I, 2005, pp. 233-268, p. 245-246. Lire l'article (cliquez).