L'universalisme

La dimension universelle de la perspective d’Isaïe

Le témoignage de l'Amour, de la Présence de YHWH

Les Juifs en exil à Babylone ne veulent pas se fondre dans le moule de la pensée dominante. Pas plus qu'ils n'ont adoré la lune, ils ne veulent pas s'assimiler à la religion de Cyrus, ils ne veulent pas que YHWH devient Mazdâ-YHWH.

Ce n'est pas qu'Israël se pense plus fort et supérieur, mais c'est parce qu'Israël a vécu quelque chose d'unique, qui n'a rien de commun : Israël a vécu un compagnonnage avec son Dieu.

Et, chose très particulière, les Juifs ont en quelque sorte une mémoire cassée (par l'apparent échec de l'exil), et cette mémoire est cassée par Dieu lui-même puisqu'ils croient que Dieu est le maître de l'histoire. Tout cela, les Juifs ne peuvent pas l'expliquer, ils peuvent seulement le raconter...

D'une part, les Juifs ne peuvent pas prétendre rassembler les politiques, les scientifiques, les artistes, les moralistes : leur pays est ruiné ! Et leurs théologiens ont pris des chemins différents !

Mais d'autre part, YHWH est une Présence qui est comme un étendard exposé à la face des nations. La blessure d'Israël exilé est, elle aussi, exposée à la face des nations, avec sa foi, avec son Amour.

Autrement dit, les Juifs sont pauvres, humbles et petits dans l'empire vaste et savant de Cyrus, mais dans le regard d'Isaïe, Ahura Mazdâ n'est qu'une lumière humaine, une sagesse humaine, une idole. Ce ne sont pas les Juifs qui vont se rallier à Mazdâ, ce sont les païens qui vont s'ouvrir à YHWH.

Bien sûr, parmi les Juifs, beaucoup ne pensent pas que les païens puissent s'ouvrir et entrer dans l'Alliance. Mais certains voient cette étincelle de confiance chez des païens. Ils dialoguent avec eux. Isaïe en fait partie, il croit que YHWH a suscité Cyrus (Isaïe 41, 25), lui donne la victoire, et l'appelle "mon serviteur" (Isaïe 44, 28) et "oint" (Isaïe 45,1). Encore une fois, il est difficile pour les Juifs de cette époque de penser que tous les païens ont l'ouverture du cœur pour pouvoir accueillir la Torah... Certains le croient, ils voient cette étincelle de confiance chez des païens. Ils croient que le Serviteur sera « Lumière des nations » (Isaïe 42, 6).

Le Serviteur souffrant justifie les hommes de toutes les nations

Le Serviteur est « Lumière des nations » (Isaïe 42, 6).

Les nations voient la restauration d’Israël.

Le Serviteur ouvre les yeux aveugles de ses concitoyens, en les ouvrant ou les réveillant à la foi (Isaïe 42, 19).

Puis le Serviteur meurt.

Dans l’éloge funèbre en « nous » (Is 53,1-11b) les compatriotes du serviteur reconnaissent que la souffrance du serviteur est rédemptrice pour eux :

« Il a porté nos infirmités, il s'est chargé de nos maladies... dans ses blessures nous sommes guéris. »

(Isaïe 53,4-5)

Le discours en « il » (Isaïe 52,13-15 et 53, 11c-12) concerne les foules des nations et les rois - devant le serviteur « les rois resteront bouche close » (Isaïe 52, 15). Le Serviteur justifie ces foules de nations, porte leur péché et intercède pour eux. La souffrance du serviteur est rédemptrice pour tous les peuples :

« Par sa connaissance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes en s’accablant lui-même de leurs fautes. »

(Isaïe 53,11)

Cette perspective universaliste éclaire la notion de peuple élu.

« Une merveilleuse perspective universaliste apparaît alors. Dieu proclame: "Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, tous les confins de la terre, car je suis Dieu, il n'y en a pas d'autre" (Is 45, 22). Il ressort ainsi clairement que la prédilection dont Dieu a fait preuve en choisissant Israël comme son peuple n'est pas un acte d'exclusion, mais plutôt un acte d'amour dont toute l'humanité est destinée à bénéficier. C'est ainsi qu'apparaît, déjà dans l'Ancien Testament, la conception "sacramentelle" de l'histoire du salut, qui voit dans l'élection particulière des fils d'Abraham, et ensuite des disciples du Christ dans l'Eglise, non pas un privilège qui "clôt" et "exclut", mais le signe et l'instrument d'un amour universel. »

(Jean Paul II, audience du mercredi 31 octobre 2001)


F. Breynaert