Dès sa jeunesse, Newman a beaucoup étudié les pères de l'Eglise et leur théologie de la divinisation (saint Athanase) : la nature humaine reçoit la capacité de jouir des dons spirituels et de participer à la vie et à la gloire du Verbe incarné[1].
« En réponse à l'objection que les ariens tiraient contre la divinité de Notre Seigneur des textes qui parlent de son « exaltation », saint Athanase est amené à insister énergiquement sur les avantages que l'homme en a retirés[2]. Il dit qu'en réalité ce n'est pas le Christ, mais cette nature humaine qu'il avait assumée, qui a été élevée et glorifiée en lui. [...]
Bien intime, en vérité, doit être la connexion entre Jésus-Christ et ses frères, et bien haute la gloire de ces derniers, si les expressions qui semblaient être réservées au Verbe incarné s'appliquent réellement à eux. [...] Ils possèdent par participation les titres d'honneur qui lui appartiennent en propre. Sans crainte nous pouvons leur appliquer les termes les plus sacrés du Psalmiste et des prophètes. « Tu es prêtre pour l'éternité » (Ps 110, 4) peut être dit de saint Polycarpe ou de saint Martin aussi bien que nous leur Seigneur. « Il a répandu ses dons, et sur les pauvres ses libéralités » s'est réalisé en saint Laurent. [...] je t'ai donné les nations pour héritage » (Ps 2, 8) est la prérogative des papes... »[3]
Newman ajoute :
« Le culte est corrélatif nécessaire de la gloire. Dans le même sens où les natures créées peuvent participer à la gloire incommunicable du Créateur, elles peuvent aussi être admises à une part de ce culte qui n'est dû qu'à lui seul. »[4]
Vingt années plus tard, Newman revient sur ce thème :
« En annonçant que Dieu s'était incarné, les saints Apôtres faisaient surgir une idée nouvelle, une sympathie nouvelle, une foi nouvelle, un culte nouveau. Désormais l'homme put concevoir l'amour le plus profond et la dévotion la plus tendre pour Celui dont la grandeur semblait désespérante avant cette révélation.
Mais quand, en outre, l'humanité eut bien compris que ce Dieu incarné avait une Mère, il vit jaillir delà une seconde source de pensées, inconnues auparavant et tout à fait sans pareille. L'idée de la Mère de Dieu est profondément distincte de celle du Verbe incarné. Jésus-Christ c'est Dieu qui s'abaisse ; Marie, c'est une femme élevée entre toutes [...]
Quand Dieu devint homme, il nous fit part de ses attributs incommunicables d'une façon si réelle qu'il ne nous est plus possible de l'abaisser en exaltant une créature. »[5]
[1] Cf. Jean Honoré, La pensée christologique de Newman, Desclée 1996, p. 153-154
[2] Saint Athanase, Contra Arianos, I, 42.
[3] J-H Newman, Essai sur le développement, Littlemore 1845, Chapitre IV, section II, § 6. Texte cité dans la traduction françaises aux éditions Desclée de Brouwer, Paris 1964, p. 184-185.
[4] Essai sur le développement, p. 186
[5] J-H Newman, A letter addressed to the Rev. E.B. Pusey on occasion of his Eirenicon. (1865) "Du culte de la Vierge", cité par J. Honoré,La pensée christologique de Newman, Desclée, Paris 1996, p. 160.
F. Breynaert
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