L'Annonciation

Marie de Nazareth

 

Eustache Lesueur. L’Annonciation (1650).

L’Annonciation de la Vierge Marie est une très grande fête chrétienne, une Solennité, que l’on fête le 25 mars. Elle célèbre en effet à la fois le consentement que Marie a donné lors de la visite de l’ange Gabriel, lui proposant et lui annonçant qu’elle était choisie par Dieu pour devenir la mère du Fils de Dieu, Jésus, et le mystère de l’Incarnation. L’Annonciation fête ainsi également l’Incarnation du Christ, vrai Dieu et vrai homme, dans le sein de Marie. La liturgie célèbre et rend présente cette "visite" de l’ange et la réponse de Marie, tandis que le récit de cet événement est rapporté dans l’évangile de l’Annonciation de st Luc (Lc1, 26-38).

L’événement de l’Annonciation

L’événement de l’Annonciation est, comme le dit Charles Péguy,

« Une heure unique dans l’histoire mystique et dans l’histoire spirituelle » de l’humanité (…) car « les immense prophéties n’ont pu donner les immenses et universels Évangiles qu’en passant par un certain point qui fût ensemble et la plus haute prophétie et l’aube des Évangiles. Et ce point ce fut précisément le point de cette annonce faite à Marie. »

Cette Annonciation à Marie a été déléguée à l’archange Gabriel par Dieu : ainsi l’Annonciation a permis l’Incarnation de Jésus Christ, le Sauveur de l’humanité.

La visite de l’ange Gabriel

Fra Angelico. L'ange Gabriel (détail de l'Annonciation, fresque du couvent San Marco, Florence, XVès.)

 

L’archange Gabriel, le principal messager de Dieu, dont le nom signifie « Force de Dieu », est venu révéler à la Vierge Marie, fille de Joachim et d’Anne, le dessein de Dieu, à Nazareth en Galilée. La ville garde mémoire de cet événement de l’Annonciation, avec la basilique de l’Annonciation, ainsi que le puits de l'Annonciation où, selon le Protévangile apocryphe de Jacques, la première annonce de l’ange à Marie au moment de l’Annonciation aurait eu lieu.

Le dessein de Dieu

L’Annonciation est le signe concret du nouveau pacte d’alliance conclus par Dieu avec les hommes, qui se concrétise par l’Incarnation de Jésus. En tant que tel, cet événement de l'Annonciation est un Acte de la miséricorde divine , et un signe de pardon, comme le dit st Antoine de Padoue, Docteur évangélique du XIIIès.

La Vierge Marie a été choisie comme Mère de Dieu alors qu’elle avait fait vœu de virginité. La conception de Jésus, lors de l’Annonciation, a donc été une conception virginale.

À ce sujet, il est important de distinguer l'Immaculée Conception de la conception virginale de la Vierge Marie. La première se réfère au fait que Marie a été conçue sans péché. La seconde consiste dans le fait que Marie a conçu Jésus du Saint-Esprit tout en gardant sa virginité, qui est une virginité perpétuelle: avant, pendant et après l’enfantement de Jésus. Cette distinction permet de comprendre ces dogmes marials, qui mettent en lumière et explicitent la mission particulière de Marie, choisie de toute éternité par son Créateur : car « rien n’est impossible à Dieu », dit l’Ange lors de l’Annonciation.

Le consentement de Marie

Fra Filippo Lippi. Annonciation (détail).

Le « oui »de Marie (appelé également « Fiat ») lors de l’Annonciation est un consentement joyeux. À Nazareth, lorsque la voix de Dieu est transmise par l'ange, Marie fut d’abord toute bouleversée. Sa réponse positive a permis l’Incarnation.

L’Incarnation de Jésus à Nazareth

Orazio Gentileschi. Annonciation trinitaire (Jésus descendant dans le sein de Marie) v.1600. 

L’Incarnation de Jésus, Fils de Dieu, qui s’est fait chair dans le sein de Marie, s’est produite par la descente de Dieu dans la nuée lors de l’Annonciation.

L’événement de l’Incarnation s’est passé à Nazareth, en Galilée. Ainsi, à cette terre dépréciée fut offerte valeur d’universalité. Jésus, le nouveau Moïse, y prononcera en effet son discours inaugural des Béatitudes (Mt 5s), il y opèrera le premier et prototype de tous les signes (Jn 2,1-12), après la résurrection il y ordonnera aux apôtres de prêcher l’Evangile à toutes les nations (Mt 28,16-20).

Marie, modèle de foi chrétienne

Par son « Fiat » absolu à la proposition de Dieu, lors de l’Annonciation, Marie est devenue le modèle de la foi chrétienne. Elle nous ouvre la voie du mystère du Christ et du Dieu Trinitaire, ce mystère que l'Église professe dans le Credo.

À la suite de Marie, et en elle, les Chrétiens disent aussi « Amen », oui, à ce qui leur est demandé par Dieu, s’inscrivant dans cette obéissance dont la Vierge Marie a fait preuve lors de l’Annonciation, et qui en est l’incomparable parangon.

En outre, les paroles de l’ange à l’Annonciation se retrouvent dans la prière de l’Angelus, qui se développe à partir de la salutation de l'ange à Marie. On retrouve également le début de cette salutation de l'Annonciation dans la première partie du Je vous salue Marie.

L’Annonciation dans la Tradition

Il y a une continuité entre l’Annonciation et l’Ancien Testament, en tant qu’alliance biblique: saint Luc parle de la Vierge Marie comme de la Tente de la rencontre couverte de la nuée de l’esprit, parce qu’Elle est la demeure de Dieu… Saint Luc fait également écho aux prophéties concernant la Fille de Sion, qu’il identifie à la Vierge Marie.

L’Annonciation à Marie a souvent été mise en parallèle avec l’Annonciation à Zacharie, suivie de la grossesse miraculeuse d’Élisabeth et de la naissance de saint Jean-Baptiste.

Les Pères de l’Église et l’Annonciation

La doctrine de l’’Annonciation s’est développée au fil du temps : les Pères de l’Église ont mis en évidence que l’Incarnation est la clé de l’histoire du salut et que ce salut a été rendu possible grâce au consentement de Marie lors de l’Annonciation. St Irénée, Docteur de l'Église du IIès, a médité sur Marie dans l’histoire du monde, st Athanase, st Ephrem également.

Les auteurs médiévaux, l’Annonciation et l’Incarnation

Les auteurs médiévaux  ont également médité sur l’Annonciation. Saint Bernard de Clairvaux  en Occident (XIIè siècle) et saint Nicolas Cabasilas en Orient (XIV° siècle) excellent à contempler Marie dans le vaste plan du salut, et nombreux sont les saints qui ont médité sur l’Annonciation et l’Incarnation: saint Photius, patriarche de Constantinople au IXès, saint Aelred de Riévaulx au XIIès, st François d’Assise, saint Bonaventure au XIIIès, st Thomas d’Aquin, Docteur de l’Église, saint Grégoire Palamas, sainte Catherine de Sienne au XIVès, etc. La poésie liturgique et mystique a élaboré toute une symbolique moralisée qui gravite notamment autour d’une symbolique végétale, utilisée par les artistes.

Les auteurs modernes et l’Annonciation

Parmi les auteurs modernes qui ont développé toute une spiritualité de l’Annonciation, st Jean de la Croix, le cardinal Pierre de  Bérulle, et bien sûr saint Louis-Marie Grignion de Montfort sont quelques figures importantes.

Méditations sur l’Annonciation aux XXè et XXIè siècles

Le concile Vatican II, dans le document conciliaire Lumen Gentium, traite de l’Annonciation et du rôle de la Vierge Marie dans l’économie du salut, spécifiant bien en quoi elle correspond au dessein miséricordieux de Dieu. D’autres auteurs contemporains, papes ou théologiens ont également enrichi la tradition sur l’Annonciation : ainsi, le saint pape Jean-Paul II , dans sa lettre encyclique Redemptoris Mater du 25 mars 1987, introduit notamment le thème de la foi de Marie à l’Annonciation ; Joseph Ratzinger (le pape Benoit XVI), dans son ouvrage La Fille de Sion, médite notamment sur la conception mystérieuse du Christ à l’Annonciation et sur l’action de Dieu à l’Annonciation. Les Orthodoxes ont également médité sur le mystère de l’Annonciation et de l’Incarnation : Olivier Clément et Alexandre Men en sont quelques  exemples.

De nombreux poètes ont également enrichi cette tradition : Charles Péguy, au début du XXès, et, plus récemment, le père Zanotti-Sorkine, dans son roman Le Passeur de Dieu (2014) exaltent également cet événement de l'Annonciation.

L’Annonciation dans la liturgie

Cristoforeo Orimina Annonciation enluminure v.1370

Ce jour du 25 mars a été choisi de façon à être situé exactement neuf mois avant Noël par les Pères de l'Église. Cette date fut adoptée à Byzance et en Occident. À Rome, la fête de l'Annonciation fut mentionnée pour la première fois dans le "Liber pontificalis" du pape Serge (687-701). Originaire d'Orient, c'est lui qui fixa la date au 25 mars et institua pour ce jour une procession allant de Saint Pierre à la basilique de Santa Maria Maggiore, lieu privilégié du culte de la Mère de Dieu avant la promulgation du dogme par le concile d'Ephèse(431). On trouve trace de la liturgie de l’Annonciation dans la liturgie gallicane du VIIès, et dans les différentes liturgies d’Orient et d’Occident.

En outre, chaque fois que les Chrétiens professent le Credo, ils font mémoire de l’événement de l’Annonciation et de l’Incarnation, par ces mots :

Par l'Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s'est fait homme.

Enfin, le rite romain propose également la messe votive 23 « Marie, temple du Seigneur» , avec la lecture de 1 R 8, 11 évoquant la demeure du Seigneur que Dieu a remplie de sa présence, ou Ap 21, 1-5 qui parle de la cité où Dieu demeure, avec l'Évangile de l'Annonciation (Lc 1, 26-38).

L’Annonciation dans l’art

Simone Martini. Retable de l'Annonciation, 1333.

L’Annonciation dans l’art est un thème iconographique très riche : on le trouve à la fois dans l’art des icônes, en Orient, comme en Occident, et dans l’ensemble des techniques artistiques : mosaïque, enluminure, sculpture, peinture, etc.

L’événement de l’Annonciation est représenté dès l'époque paléochrétienne. La plus ancienne se trouve dans les catacombes romaines de Priscille et de Saint Calixte, datant du IIIès. L'ange est représenté sans ailes et sans auréole.

Depuis le Vè siècle, ce motif de l’Annonciation est également présent à l'intérieur des églises.

L’Annonciation. Fresque de l’église Notre-Dame-de-l'Assomption de Gourdon, XIIès.

Dans l’art roman, l’événement de l'Annonciation est souvent représentée conjointement avec la Visitation: ce sont deux épisodes fréquemment reliés, par exemple sur le chapiteau du Prieuré Saint-Léonard de l’Ile Bouchard, datant du XIès. Les fresques de l’église Notre-Dame-de-l'Assomption de Gourdon (XIIès), réalisées par un atelier catalan, présentent la Vierge debout, et les mains de Marie expriment à la fois son bouleversement, le dialogue et son ouverture au don de Dieu.

Sour l’influence de la réflexion de st Thomas d’Aquin sur la salutation de l’ange, au XIIIès, les artistes représentent désormais fréquemment l’ange Gabriel agenouillé lors de l’Annonciation.

La Vierge Marie est représentée soit debout, soit sur un trône. À la fin du Moyen Age, en Occident, on la représente agenouillée, souvent dans sa chambre. La virginité de Marie est représentée par un Lys.

 

Fra Angelico. L’Annonciation de Cortone, 1434. Dans le fond du jardin, Adam et Ève chassés du Paradis. Fra Angelico, CC BY-SA 4.0 , via Wikimedia Commons.

La peinture italienne de l’époque gothique et Renaissance a beaucoup traité ce thème iconographique de l’Annonciation : parmi les plus célèbres, on peut citer S.Martini, qui représente l’Annonciation entre les saints Ansan et Marguerite, (1333), Giotto, Lorenzo Monaco, Ambrogio Lorenzetti, L’Annonciation de Florence de Fra Angelico, L’Annonciation de Cortone de Fra Angelico, l’Annonciation de Domenico Veneziano, l’Annonciation de Masolino da Panicale, l’Annonciation de Fra Carnevalel’Annonciation de Filippino Lippi, l’Annonciation de Mariotto Albertinelli, qui date de 1510, etc. Ces représentations de l’Annonciation permettent de mettre en monde tout un décor, plus ou moins réaliste, d’utiliser la perspective et toute une symbolique architecturale. Cette symbolique peut être également végétale (le Lys, la Rose, le Muguet, comme dans l’Annonciation de Bartholomaus Zeitblom, datant de 1497 etc.), conformément aux plantaires médiévaux et à la poésie religieuse liturgique et mystique, et moralisée. Ainsi, par exemple, le thème iconographique de l’Hortus conclusus, jardin clos permettant de symboliser la virginité de la Vierge Marie, a souvent été utilisé pour l’Annonciation, dans la Renaissance italienne et chez les primitifs flamands. De même, l’ange qui tient fréquemment un Lys blanc dans la main est représenté par le peintre siennois Francesco di Giorgio Martini (1470), avec une branche d’olivier, pour symboliser la paix entre Dieu et le genre humain.


Annonciation : la Vierge au puits. Mosaïque de la basilique Saint-Marc, Venise. Domaine public, via Wikimedia Commons.


Certaines représentations de l’Annonciation suivent les textes apocryphes et présentent une Annonciation au Puits, qui permet de développer toute une symbolique autour de l’eau, ou la Vierge Marie filant le pourpre du voile du Temple.
D’autres représentations de l’Annonciation ont un caractère fortement allégorique: ainsi, les chasses mystiques mettent en scène un animal légendaire : la licorne, et superposent ainsi ce thème de la chasse à la licorne sur celui de l’Annonciation.

A.Roublev. Icône de l'Annonciation. XVès. Le voile rouge flottant symbolise l'Esprit saint.

Dans l’art oriental, parmi les plus célèbres icônes, les célèbres icônes d’Ohrid (dès le XIIès), l’icône de l’Annonciation d’Oustioug, l’icône de l’Annonciation du Monastère de Stravronikita, l’icône de l’Annonciation de Tinos, l’ icône de l’Annonciation de saint A. Roublev (XVès)sont particulièrement remarquables.
Les représentations de l’Annonciation comme celles de l’Incarnation sont donc, selon les époques, les traditions stylistiques et les lieux, plus ou moins réalistes, et plus ou moins symboliques, voire allégoriques.