La prophétie de Syméon (Lc 2, 35)

Un glaive te transpercera (Lc 2, 34-35)

Syméon fait d’abord à Marie et Joseph une première révélation concernant Jésus: il sera "la lumière pour éclairer les nations", "la gloire d’Israël son peuple" (Lc 2,32) se référant aux prophéties d’Isaïe (Is 42,6 et 49,6).

Son père et sa mère s’émerveillent. Et Syméon clarifie la révélation, la lumière pour les nations passe d’abord par Israël, elle sera acceptée ou refusée :

« Syméon les bénit et dit à Marie, sa mère: "Vois! cet enfant doit amener la chute et le relèvement d'un grand nombre en Israël; il doit être un signe en butte à la contradiction, - et toi-même, une épée te transpercera l'âme! -- afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs." »

(Luc 2,34-35)

Quel est le sens de cette épée ?

L’épée est d'abord la parole de Dieu : les arguments sont très nombreux :

Dans l'Ancien Testament, le serviteur souffrant dit : le Seigneur « a fait de ma bouche une épée tranchante » (Is 49,2)

Plus tard, quand la communauté hébraïque est menacée de destruction par l’hellénisme, elle résiste en demeurant fidèle à la Parole de Dieu qui est sa véritable arme, sa véritable épée : Judas Maccabées a la vision de Jérémie, le prophète, l’homme de la parole qui lui donne une « épée d'or » en disant « "Prends ce glaive saint, il est un don de Dieu, avec lui tu briseras les ennemis." » (2Macc 15,15-16)

Le Targum Ct 3,8 : le texte du Cantique dit que « chacun porte son épée à son côté ». Le targum paraphrase : « les prêtres, les lévites et toutes les tribus d’Israël ont au poing les préceptes de la loi qui sont comme une épée… et ils portent le signe de la circoncision… »

De nombreux midrashim expliquent que les consonnes du mot épée sont les mêmes consonnes du mot Horeb (le mont Sinaï) où fut donné la Torah.

Le midrash explique aussi que cette épée qu’elle a deux tranchants de multiples façons, par exemple parce que la Torah et écrite et orale…

En saint Luc, au seuil de la passion, Jésus invite à vendre son manteau et à prendre chacun un glaive (Lc 22,36), mais Jésus n’entend pas l’épée au sens matériel (Lc 22,50), il invite à prendre l’épée de la Parole de Dieu pour avoir le discernement spirituel et ne pas tomber en tentation.

Dans l’épître aux Hébreux, l’auteur compare la parole de Jésus à celle de Mo?se lors de la sortie d’Egypte puis il dit : « Vivante, en effet, est la parole de Dieu, efficace et plus incisive qu'aucun glaive à deux tranchants, elle pénètre jusqu'au point de division de l'âme et de l'esprit, des articulations et des moelles, elle peut juger les sentiments et les pensées du cœur. » (He 4,12).

Saint Paul, cite parmi les armes du combat spirituel, « le glaive de l'Esprit, c'est-à-dire la Parole de Dieu. » (Ep 6,17)

Dans l’Apocalypse, le Christ apparaît comme un cavalier avec une épée, sa parole (Ap 1,16 ; 2,16 ;19,15.21)

Dans cette tradition, le texte de l’Evangile (Luc 2,35) signifie que Marie est traversée par la parole de Dieu dans toute sa vie, parole qui produit la louange, l’exultation, l’intelligence, sérénité, la foi, et aussi la douleur ; le glaive signifie la parole de Dieu, le dessein de Dieu, qui englobe toute la mission de Marie, y compris sa douleur, de même qu’Isaïe contient aussi les prophéties du serviteur souffrant.

Cette interprétation est la plus vaste et la plus ancienne.

La tradition chrétienne reprend ce symbolisme :

Pour saint Ambroise, l’épée symbolise toute la parole de Jésus, tout le dessein de Dieu, et le Fiat de Marie dure toute sa vie.

De même, Rupert de Deutz, Adam Scot s’appuie sur He 4,12. Origène s’appuie sur He 4,12 et le rapproche du scandale de la Passion.

Un tableau de Giovanni di Paolo, « la Vierge au manteau » représente Marie, très grande, beaucoup plus grande que les autres personnages, parce que le Seigneur fit en elle de grandes choses. Elle est debout et sur sa tunique est dessinée une grande épée portant les évangélistes.

Syméon annonce que Jésus sera un signe de contradiction, et que Marie lui sera associée, partagera le refus qu’on lui opposera.

La tradition chrétienne a surtout accentué le fait que l’épée est la douleur de Marie lors de la Passion.

Cette interprétation dérive de l'interprétation précédente. La Parole est en butte à la contradiction et la Croix de la contradiction devient une épée de douleur.

On pourrait citer en ce sens :

Saint Augustin, Bède le vénérable, les médiévaux en général,

et de nombreux orientaux tels que :

Saint Cyrille d’Alexandrie, Jean Damascène, Nicolas Cabasilas…


A.SERRA, La profezia di Simeone (Lc 2,34-35) nella tradizione greco-latina dei secoli II-XIV Contenuti e proposte, in Marianum 60 (1998) cf pp. 309-311 ; 377-381 ;

A.SERRA, La Spada: simbolo della Parola di Dio, nell’Antico Testamento biblico-giudaico e nel Nuovo Testamento, in Marianum 63 (2001), pp. 17-89

A.VALENTINI, Il secondo annuncio a Maria, in Marianum 50 (1988), pp.290-322

G. ROSSE., Approcci esegetici al testo della presentazione, in Theotokos 6 (1998), pp 17-30

Aristide SERRA