L’un des titres sous lequel l’Église catholique vénère la Vierge Marie est Notre-Dame des Sept Douleurs, ou Notre-Dame des Douleurs ( Beata Maria Virgo Perdolens ou Mater Dolorosa). Les évangiles rapportent en effet sept événements qui firent profondément souffrir la Vierge Marie durant sa vie de mère. Ces douleurs sont la participation de la Vierge Marie à la Passion de Son Fils, et donc à la Rédemption. La fête de Notre-Dame des Douleurs est située le 15 septembre dans le calendrier liturgique, et tout le mois de septembre lui est dédié. La prophétie de Syméon est la première des Sept Douleurs de Marie.
L'épée dont parle Siméon, dans la culture juive, c'est l’Écriture. Ce qui signifie que Marie a vécu la souffrance en se nourrissant de la Parole de Dieu,
« efficace et plus incisive qu'aucun glaive à deux tranchants, elle pénètre jusqu'au point de division de l'âme et de l'esprit. » (Hébreux 4, 12).
Cette épée, c'est aussi la douleur pour Marie de voir que Jésus, Parole du Père, est persécuté, rejeté. La croix de la contradiction devient pour Marie une épée qui lui transperce l'âme.
De Marie, nous pouvons apprendre la vraie compassion, comme participation au mystère pascal, dans l'accueil de la souffrance des autres comme souffrance propre[1].
« Syméon les bénit et dit à Marie, sa mère: "Vois! Cet enfant doit amener la chute et le relèvement d'un grand nombre en Israël; il doit être un signe en butte à la contradiction, -- et toi-même, une épée te transpercera l'âme! -- afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs." » (Luc 2, 34-35)
Le vieillard Siméon annonce à Marie que son fils sera en butte à la contradiction (Lc 2,34-35).
La première douleur que vit la Vierge Marie : Jésus sera contrarié. Et cela est annoncé dans le temple de Jérusalem, au centre du pays, au cœur de la vie religieuse du peuple juif.
Un glaive traverse le cœur de Marie. La Vierge Marie souffre en tant que fille de Sion, en tant que mère du Prince de la paix universelle.
« Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre. Ainsi parle YHWH, le rédempteur, le Saint d'Israël, à celui dont l'âme est méprisée, honnie de la nation. » (Isaïe 49, 6-7)
« Après leur départ, voici que l'Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit: "Lève-toi, prends avec toi l'enfant et sa mère, et fuis en Egypte; et restes-y jusqu'à ce que je te dise. Car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr." » (Matthieu 2, 13)
Marie vit la douleur de la mort des innocents, la douleur de l'injustice, la douleur d'être mêlés à l'injustice puisque l'élément déclencheur de la fureur du tyran a été la naissance de Jésus, la douleur d'être impuissante et de devoir fuir pour protéger Jésus.
La souffrance de l'exil en Égypte est d'un autre genre, c'est le fait d'être appauvri, étranger, citoyen de seconde zone, et de ne pas pouvoir pratiquer certains rites religieux.
Dieu est innocent de l'injustice d'Hérode. Avec quelle intensité Marie aura-t-elle prié par exemple ce psaume :
« Es-tu l'allié d'un tribunal de perdition, érigeant en loi le désordre ? On s'attaque à la vie du juste, et le sang innocent, on le condamne. Mais YHWH est pour moi une citadelle, et mon Dieu, le rocher de mon refuge. » (Ps 94, 20-22)
« À sa vue, ils furent saisis d'émotion, et sa mère lui dit: "Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela? Vois! Ton père et moi, nous te cherchons, angoissés." » (Luc 2, 48)
Marie vit la douleur de l'absence inexpliquée de Jésus et l'angoisse à son sujet.
Ce qui peut aussi être douloureux pour Marie en tant qu'épouse, c'est de voir la douleur de Joseph. Leur douleur peut avoir été augmentée par certaines réactions de l'entourage critiquant par exemple leur manque de surveillance. Et finalement, ce qui est douloureux, c'est de ne pas comprendre la réaction de Jésus au moment des retrouvailles.
Le glaive, la Parole de Dieu, a traversé le cœur de Marie. Nous pouvons citer l'exemple de Job:
« Dis-moi quelle a été ma transgression, mon péché? Pourquoi caches-tu ta face et me considères-tu comme ton ennemi? » (Job 13, 22-24)
Cet événement a eu lieu la fête juive de la Pâque, il est la préfiguration du mystère pascal. Ici, le 3ème jour, les parents retrouvent l'enfant. Plus tard, le 3ème jour, les disciples retrouveront Jésus ressuscité.
« Ils l'emmenèrent pour le crucifier. En sortant, ils trouvèrent un homme de Cyrène, nommé Simon, et le requirent pour porter sa croix. » (Mt 27, 31-32)
Marie vit la douleur morale de voir Jésus condamné, exclu, abandonné de ceux qu'il a instruit et guéri. Elle vit également la douleur spirituelle de voir Jésus tomber.
« Je suis devenu la risée de tout mon peuple, leur chanson tout le jour. Il m'a saturé d'amertume, il m'a enivré d'absinthe. [...] Voici ce qu'à mon cœur je rappellerai pour reprendre espoir : Les faveurs de YHWH ne sont pas finies, ni ses compassions épuisées. » (Lamentations 3, 14-15 et 21-22)
Mais ce chemin de croix est montée vers le Père, Exode nouveau...
5. Marie debout au pied de la Croix (Jn 19,25-27)
« Or près de la croix de Jésus se tenait sa mère. » (Jean 19, 25)
Marie vit la douleur physique d'une mère qui voit souffrir le fils de ses entrailles, le fils de sa chair. L'évangéliste Matthieu transmet ce long cri de Jésus, dans les termes du psaume 22 :
« Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ? » (Ps 22, 1)
La mère de Jésus se laisse transpercer par la Parole biblique, véritable épée à deux tranchants ; et peut-être a-t-elle prié la suite du psaume 22 :
« Je peux compter tous mes os, les gens me voient, ils me regardent; ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement. Mais toi, YHWH, ne sois pas loin, ô ma force, vite à mon aide. [...] J'annoncerai ton nom à mes frères, en pleine assemblée je te louerai.» (Ps 22, 18-20 et 23)
Dieu n'a pas fait descendre Jésus de la croix. Jésus a connu véritablement notre mort humaine. Marie en partage toute la douleur, et puisqu'elle survit à son fils, elle souffre ensuite seule, sans son fils.
« Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison. » (Isaïe 53, 4-5)
Marie vit la douleur du deuil, et la douleur des ténèbres qui désormais recouvrent la terre puisque Dieu en a été chassé. Là encore, la Parole de Dieu est vivante :
« Reviens, YHWH ! Jusques à quand ? Prends en pitié tes serviteurs. » (Ps 90,13)
En réalité, le catéchisme de l'Église catholique nous enseigne que :
« La descente aux enfers est l'accomplissement, jusqu'à la plénitude, de l'annonce évangélique du salut. Elle est la phase ultime de la mission messianique de Jésus, phase condensée dans le temps mais immensément vaste dans sa signification réelle d'extension de l'œuvre rédemptrice à tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux, car tous ceux qui sont sauvés ont été rendus participants de la Rédemption. » (CEC 634)
La prophétie de Siméon annonçait non seulement que Jésus serait un signe en butte à la contradiction, mais qu'il serait aussi la lumière des nations (Lc 2, 32).
Si nous méditons la douleur, c'est parce qu'elle est le lieu de la rédemption.
La mort de Jésus est suivie par sa résurrection et sa seigneurie sur l'univers. Jésus est alors annoncé et reçu dans le monde entier.
Le destin de Paul et Barnabé, contredits dans la synagogue d’Antioche, accompagne celui du Christ. Le rejet va les conduire à la décision de se tourner vers les nations. Selon les mots de Paul, cette décision est même un ordre divin :
« Je t’ai établi lumière des nations pour que tu apportes le salut aux extrémités de la terre. » (Ac 13, 47, citation d’ Isaïe 49, 6).
Source :
- J. Ratzinger, Benoît XVI, L'enfance de Jésus. Paris: Flammarion, 2012.
- Textes bibliques cités.
[1]Cf. J. Ratzinger, Benoît XVI, L'enfance de Jésus, Flammarion, Paris 2012, p. 123.
-sur la prophétie de Syméon, dans l’Encyclopédie mariale
-sur le massacre des Innocents annoncé par le prophète Jérémie (Jr 31), dans l’Encyclopédie mariale
-sur la fuite en Égypte (Mt 2, 13-23), dans l’Encyclopédie mariale
-sur El Bireh, où Marie et Joseph s'aperçoivent que Jésus est absent, dans l’Encyclopédie mariale
-sur Fille de Sion au pied de la Croix, dans l’Encyclopédie mariale
-sur Marie associée au Rédempteur (Jean-Paul II), dans l’Encyclopédie mariale
-sur l’ histoire de la célébration de N-D des sept douleurs, dans l’Encyclopédie mariale
-sur 15 septembre : Notre Dame des douleurs (liturgie), dans l’Encyclopédie mariale
Françoise Breynaert et l’équipe de MDN.