L'Eglise mère ? Marie mère de l'Eglise ? [1]
Il n'était pas facile pour la Réforme de parler de l'Eglise mère. Luther et Calvin en ont pourtant parlé avec beaucoup de clarté. Malheureusement, dans les quatre siècles de controverse théologique, cette expression a perdu sa popularité et a fini par être combattue : l'Eglise n'était plus mater et magistra [mère et enseignante] mais filia et discipula [fille et disciple].
De là à parler de la maternité ecclésiale de Marie[Marie mère de l'Eglise], il faudra beaucoup de temps et surmonter beaucoup de difficultés. [...]
« Auriez-vous en effet des milliers de pédagogues dans le Christ, que vous n'avez pas plusieurs pères; car c'est moi qui, par l'Evangile, vous ai engendrés dans le Christ Jésus. » (1Corinthiens 4, 15)
Paul décrit son apostolat comme celui d'un père qui, dans le Christ à travers l'Evangile, engendre dans la foi. Il considère que cette fonction est plus précieuse que celle d'un maître (pédagogue)à dans la foi. Bien sûr il ne s'oppose pas pour autant aux paroles mêmes du Seigneur : « Ne vous faites jamais appeler père sur la terre [..] ne vous faites jamais appeler maître » (Mt 23, 9-10). Il sait qu'il est un serviteur quelconque (Lc 17, 10) parce que celui qui se glorifie, qu'il se glorifie dans le Seigneur » (1 Co 1, 31). Telles sont les limites dans lesquelles il peut se considérer comme père et maître.
Lorsque nous parlons de l'Eglise comme mater et magistra [mère et enseignante], qui engendre et enseigne dans la foi, il faut renvoyer à Paul ainsi qu'à Marie.
Marie mère de l'Eglise selon Luther :
« Marie devient, selon Luther, mère de chaque membre de l'Eglise, là où le Christ est son frère et Dieu son Père.[3]
Dans sa maternité, Marie est aussi « mère de l'Eglise, cette Eglise dont elle est le membre le plus éminent. »[4] Elle est mère de l'Eglise de tous les temps, étant mère de tous les fils qui naîtront du Saint Esprit[5]. »[6]
[1] Renzo Bertalot, Dialogue avec la christologie protestante, dans Aa Vv, Marie, l'Eglise et la théologie, dirigé par D. de Boissieu, P. Bordeyne, S. Maggioni, Desclée, Paris 2007, p. 254-255
[2] Renzo Bertalot, ibid., p. 255
[3] « Telle est la consolation et la bonté débordante de Dieu, qu'un homme puisse se prévaloir, s'il croit, d'un si grand trésor, que Marie soit sa vraie mère, le Christ son frère et Dieu son Père. » (Luther, WA 10/I, 72.19-73.2).
[4] Luther, WA 1, 107.2.
[5] Luther, WA 4, 234.5-8.
[6] Groupe des Dombes, Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints. Tome I : Dans l'histoire et l'Ecriture. Bayard, Paris 1998, § 57