Marie chez Luther (groupe des Dombes)

Marie chez Luther (Groupe des Dombes)

Marie, la foi, le Christ Rédempteur, l'Ecriture

« Dans le concert des réformateurs, Luther cite souvent Marie dans ses écrits. Sa piété est marquée par la théologie mariale. Quand il entre chez les Augustins, il fait profession de vivre "sa foi pour la louange de Marie".

Cependant, il va revoir sa théologie et sa piété mariales selon les thèmes contestataires de sa réforme ; sa pensée mariale sera marquée par les mêmes éléments réformateurs que d'autres (par exemple ceux de la compréhension de la foi, du salut, de la rédemption, de la christologie, etc.).

Même s'il garde toute sa vie une grande vénération pour Marie et les saints, la question reste secondaire pour lui ; il les remet à la place que l'Ecriture permet selon lui de leur accorder.

Il maintient trois grandes fêtes mariales : l'Annonciation, la Visitation et la Purification[1]. »[2]

Marie et le Christ

« Luther a repensé le rôle de Marie d'abord en fonction de la christologie (première perspective). La théologie mariale doit toujours rester soumise à la christologie et non l'inverse. Marie n'a pas de fonction sotériologique mais elle est un maillon de l'histoire du salut et une figure de la condition du croyant.

Le rôle de Marie se borne alors à ce qu'en disent les textes scripturaires et les Symboles de la foi.

Luther défend la virginité et même la virginité perpétuelle de Marie.[3]

Il utilise des métaphores pour expliquer et interpréter cette virginité de manière christologique : elle est liée au Christ dans la mesure où elle est signe, métaphore de l'incarnation du Fils ; Marie est le lieu où transparaît le mystère des deux natures. Cette virginité ne constitue pas une place à part, bien au contraire : elle n'est la "Vierge Marie" que grâce à la Rédemption opérée par le Christ.

Pour Luther, tout croyant devient porteur du Christ à l'égal de Marie, mais de manière spirituelle[4].

Par ailleurs, le réformateur critique toute utilisation de la virginité de Marie pour justifier une quelconque prééminence de la virginité en général sur le mariage[5]. »[6]

La maternité de Marie

« Le thème de la maternité représente la deuxième perspective d'approche de la question par Luther. On ne peut rien dire de plus grand sur Marie que de proclamer qu'elle est la « mère de Dieu[7] ». Elle est par là même l'instrument du Saint Esprit, son Temple, « sa joyeuse auberge ». Luther fait dire à Marie : « Je suis l'atelier dans lequel il œuvre, mais je n'ai rien à ajouter à l'ouvrage ; c'est pourquoi personne ne doit honorer ou louer en moi la Mère de Dieu, mais louer en moi, Dieu et son œuvre.[8] » Dans cette perspective, Marie est toujours un personnage historique, mais non une figure dogmatique. »[9]

Marie mère de chaque membre de l'Eglise de tous les temps

« La troisième perspective est celle de l'ecclésiologie.

Il y a analogie entre la destinée de Marie et celle de l'Eglise.

Les souffrances de Marie renvoient aux persécutions de l'Eglise ;

la persévérance de Marie à la continuité et à la fidélité de l'Eglise ;

sa grossesse à la manière dont le Christ-Parole vient habiter dans les croyants.

La dignité de Marie s'exprime paradoxalement dans son humilité ; il en va de même pour l'Eglise qui reste une Eglise sous la Croix, imparfaite dans son caractère historique, institutionnel et visible[10].

Marie est ainsi une figure de l'Eglise non seulement par sa qualité de mère, mais aussi par toutes les autres caractéristiques de sa vie, telle qu'elle est bibliquement attestée.

Marie devient, selon Luther, mère de chaque membre de l'Eglise, là où le Christ est son frère et Dieu son Père[11].

Dans sa maternité, Marie est aussi « mère de l'Eglise, cette Eglise dont elle est le membre le plus éminent. »[12]

Elle est mère de l'Eglise de tous les temps, étant mère de tous les fils qui naîtront du Saint Esprit[13]. »[14]

Le Christ est né sans péché

« La quatrième perspective est celle de l'immaculée conception de Marie.

Luther étudie la question sous l'angle de "Marie et le péché" et de la sainteté de Marie. La position du réformateur sur ce point est indécise ; il laisse la question en suspens, parce qu'elle n'a pas de fondement biblique ; la question est "inutile", dit-il[15].

Mais il déplace la question vers le Christ : ce qui importe, c'est que le Christ, lui, soit né sans péché, tout en ayant connu une véritable naissance humaine ; et c'est ainsi que nous devons le croire[16]. »[17]

Marie vit "en Christ", dans la communion des saints

« Cinquième perspective : l'assomption.

Luther ne montre pas d'intérêt pour la manière traditionnelle de comprendre la question. Pour lui, il est évident que Marie est auprès de Dieu, dans la communion des saints :

« De la fête de l'Assomption de la Vierge], nous ne pouvons déduire les détails sur la manière dont Marie est au ciel : ce n'est d'ailleurs pas nécessaire, étant donné que nous ne pouvons pas épuiser par notre compréhension tout ce qui se passe avec les saints dans le ciel. Il nous suffit de savoir qu'ils vivent en Christ.[18] »

A la fin de sa vie, il prêchera contre cette fête, estimant qu'elle portait préjudice à l'Ascension du Christ[19]. »[20]

Marie est reine parce qu'elle est humble servante

« Plus importante pour Luther est la vénération due à Marie, la dévotion mariale (sixième perspective). Il examine le culte marial de son temps toujours sous l'angle de la christologie. Certes Marie est « reine » ! Cependant, le réformateur renverse l'attribut, exalte son contraire : seule la condition d'humble servante exprime sa qualité de reine. Son humilité se reconnaît de deux manières : à son obéissance et à sa disponibilité de servir. Cette double humilité est le signe d'une foi exemplaire, chemin de sanctification. Il faut donc vénérer Marie, car dans ce sens « toute louange de Marie mère à la louange de Dieu[21] ».

Luther ne condamne pas la possibilité d'une invocation des saints (c'est-à-dire les membres de l'Eglise invisible, vivants et morts) ; il rejette en revanche l'idée d'une médiation des morts obtenue par la prière. »[22]

Marie intercède, et elle est un exemple de la miséricorde de Dieu

« Cette prise de position mariale est confirmée par Philippe Melanchthon (†1560). Dans son Apologie de la Confession d'Augsbourg (1531), celui-ci réaffirme la nécessaire orientation christo-centrique de toute pensée mariale.

Marie ne doit pas être tenue pour l'égale du Christ, comme c'est le cas dans les débordements marials de l'Eglise médiévale, mais vénérée pour son exemple[23].

Cela dit, Marie est reconnue par la tradition luthérienne comme « pure », « », « Vierge[24] », digne de la plus grande gloire[25] ; en tant qu'elle prie pour l'Eglise.

La vénération de Marie illustre celle que les chrétiens doivent à tous les saints : il convient de se souvenir d'eux, de remercier Dieu pour ce qu'ils ont été, de les prendre pour modèles de la foi, de les honorer et de « leur témoigner notre amour en Christ[26] », car ils sont des exemples de la miséricorde de Dieu. »[27]


[1] « Que les pasteurs ne créent pas des querelles à causes de ces fêtes. Qu'on laisse à chacun la liberté de fêter celles que souhaitent ses paroissiens. Qu'ils respectent avant tout les dimanches, la fête de l'Annonciation, la Purification, la Visitation, la fête de saint Jean-Baptiste, la Saint Michel, celles des Apôtres et de Maire-Madeleine.

(Luther, WA 26, 22.25-223.1).

A l'occasion de ces fêtes, Luther a prononcé environ 80 sermons sur Marie.

[2] Groupe des Dombes, Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints. Tome I : Dans l'histoire et l'Ecriture. Bayard, Paris 1998, § 54

[3] Cf. entre autre, WA t. 27, p. 242.4 (1428) ; t. 27, p. 475.25-26 (1528) ; t. 29, p. 169.8 (1539).

[4] Nous sommes aussi enceints par l'Esprit Saint et recevons en nous le Christ spirituellement dans la foi » (Luther, WA 9, 625.22).

[5] Luther, WA 32, 296.16-19.

[6] Groupe des Dombes, Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints. Tome I : Dans l'histoire et l'Ecriture. Bayard, Paris 1998, § 55

[7] WA 7, 572.33-573.1.

[8] WA. 7, 575.8-12.

[9] Groupe des Dombes, Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints. Tome I : Dans l'histoire et l'Ecriture. Bayard, Paris 1998, § 56

[10] WA 49, 492-498.

[11] « Telle est la consolation et la bonté débordante de Dieu, qu'un homme puisse se prévaloir, s'il croit, d'un si grand trésor, que Marie soit sa vraie mère, le Christ son frère et Dieu son Père. » (WA 10/I, 72.19-73.2).

[12] WA 1, 107.2.

[13] WA 4, 234.5-8.

[14] Groupe des Dombes, Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints. Tome I : Dans l'histoire et l'Ecriture. Bayard, Paris 1998, § 57

[15] Cf. M. Lienhard, Au cœur de la foi de Luther, Jésus-Christ, Paris, Desclée, 1991, p. 59.

[16] WA 10/III, 331.9-11.

[17] Groupe des Dombes, Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints. Tome I : Dans l'histoire et l'Ecriture. Bayard, Paris 1998, § 58

[18] WA 10/III, 268.13-18.

[19] Cf. WA 52, 681.6-31.

[20] Groupe des Dombes, Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints. Tome I : Dans l'histoire et l'Ecriture. Bayard, Paris 1998, § 59

[21] Selon Luther, le culte marial de son temps est malheureusement le produit d'une déformation de la christologie : le Christ juge et bourreau suscite une Marie « pure douceur et amour » (WA 10/III, 357.24-31).

[22] Groupe des Dombes, Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints. Tome I : Dans l'histoire et l'Ecriture. Bayard, Paris 1998, § 60

[23] Apologie, art XXI, « De l'invocation des saints ».

Cf. A Birmelé, M. Lienhard, La foi des Eglises luthériennes, Paris/ Genève, Cerf/ Labor et Fides, 1991, n° 278.

[24] Cf. A Birmelé, M. Lienhard, La foi des Eglises luthériennes, Paris/ Genève, Cerf/ Labor et Fides, 1991, n° 369

[25] Cf. A Birmelé, M. Lienhard, La foi des Eglises luthériennes, Paris/ Genève, Cerf/ Labor et Fides, 1991, n°278

[26] Cf. A Birmelé, M. Lienhard, La foi des Eglises luthériennes, Paris/ Genève, Cerf/ Labor et Fides, 1991, n° 31, 272, 280, 390.

[27] Groupe des Dombes, Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints. Tome I : Dans l'histoire et l'Ecriture. Bayard, Paris 1998, § 62

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