« Le premier axiome indémontrable est que "l'on ne peut en même temps affirmer et nier", ce qui se fonde sur la notion d'être et de non-être [...] De même que l'être est en tout premier lieu objet de connaissance proprement dite, de même le bien est la première notion saisie par la raison pratique qui est ordonnée à l'action. En effet, tout ce qui agit le fait en vue d'une fin qui a raison de bien.
C'est pourquoi le principe premier de la raison pratique est celui qui se fonde sur la raison de bien, et qui est: "Le bien est ce que tous les êtres désirent." C'est donc le premier précepte de la loi qu'il faut faire et rechercher le bien, et éviter le mal. C'est sur cet axiome que se fondent tous les autres préceptes de la loi naturelle. [...]
- En effet, l'homme se sent d'abord attiré à rechercher le bien correspondant à sa nature, en quoi il est semblable à toutes les autres substances, en ce sens que toute substance recherche la conservation de son être, selon sa nature propre. Selon cette inclination, ce qui assure la conservation humaine et tout ce qui empêche le contraire, relèvent de la loi naturelle.
- En second lieu, il y a dans l'homme une inclination à rechercher certains biens plus spéciaux, conformes à la nature qui lui est commune avec les autres animaux. Ainsi appartient à la loi naturelle ce que « la nature enseigne à tous les animaux », par exemple l'union du mâle et de la femelle, le soin des petits, etc.
- En troisième lieu, on trouve dans l'homme un attrait vers le bien conforme à sa nature d'être raisonnable, qui lui est propre; ainsi a-t-il une inclination naturelle à connaître la vérité sur Dieu et à vivre en société. En ce sens, appartient à la loi naturelle tout ce qui relève de cet attrait propre: par exemple que l'homme évite l'ignorance, ou ne fasse pas de tort à son prochain avec lequel il doit vivre, et toutes les autres prescriptions qui visent ce but. »
(Somme Théologique, I-II Qu.94 a.2, resp.)
« Appartiennent à la loi naturelle d'abord quelques principes plus généraux qui sont connus de tous; ensuite quelques préceptes secondaires, plus particuliers, qui sont comme des conclusions proches de ces principes.
Quant aux principes généraux, la loi naturelle ne peut d'aucune façon être effacée du cœur des hommes, de façon universelle.
Elle est cependant effacée dans une activité particulière parce que la raison est empêchée d'appliquer le principe général au cas particulier dont il s'agit à cause de la convoitise ou d'une autre passion.
Quant aux préceptes secondaires, la loi naturelle peut être effacée du cœur des hommes, soit en raison de propagandes perverses, de la façon dont les erreurs se glissent dans les sciences spéculatives au sujet de conclusions nécessaires; soit comme conséquences de coutumes dépravées et d'habitus corrompus. C'est ainsi que certains individus ne considéraient pas le brigandage comme un péché, ni même les vices contre nature, comme le dit encore S. Paul (Rm 1,24). »
(Somme Théologique, I-II Qu.94 a.6, resp.)
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Synthèse F. Breynaert