« Après leur départ, voici que l'Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit: "Lève-toi, prends avec toi l'enfant et sa mère, et fuis en Égypte; et restes-y jusqu'à ce que je te dise. »(Matthieu 2, 13). Un épisode de la vie de Thérèse de Lisieux pendant son noviciat illustre comment nous pouvons nous aussi vivre cet Évangile.
Thérèse trouvait de la saveur à voir la mère du couvent (qui à ce moment était de sa famille), ensuite, elle comprend qu'agir en suivant sa satisfaction personnelle n'était pas parfait. L'intervention d'une autre sœur sème le trouble. Thérèse a été défiante envers sa capacité à ne pas mettre de l'huile sur le feu, et c'est pour cela qu'elle a fui. Sa fuite a protégé sa paix, et sa vertu.
"Ma Mère bien-aimée, je vous l'ai dit, mon dernier moyen de ne pas être vaincue dans les combats, c'est la désertion, ce moyen, je l'employais déjà pendant mon noviciat, il m'a toujours parfaitement réussi.
Je veux, ma Mère, vous en citer un exemple qui je crois vous fera sourire.
Pendant une de vos bronchites, je vins un matin tout doucement remettre chez vous les clefs de la grille de communion, car j'étais sacristine ; au fond je n'étais pas fâchée d'avoir cette occasion de vous voir, j'en étais même très contente mais je me gardais bien de le faire paraître;
une sœur, animée d'un saint zèle et qui cependant m'aimait beaucoup, me voyant entrer chez vous, ma Mère, crut que j'allais vous réveiller, elle voulut me prendre les clefs, mais j'étais trop maligne pour les lui donner et céder mes droits. Je lui dis le plus poliment possible que je désirais autant qu'elle de ne point vous éveiller et que c'était à moi de rendre les clefs...
Je comprends maintenant qu'il aurait été bien plus parfait de céder à cette sœur, jeune il est vrai, mais enfin plus ancienne que moi.
Je ne le comprenais pas alors, aussi voulant absolument entrer à sa suite malgré elle qui poussait la porte pour m'empêcher de passer, bientôt le malheur que nous redoutions arriva: le bruit que nous faisions vous fit ouvrir les yeux...
Alors, ma Mère, tout retomba sur moi, la pauvre sœur à laquelle j'avais résisté se mit à débiter tout un discours dont le fond était ceci: C'est sœur Thérèse de l'Enfant Jésus qui a fait du bruit... mon Dieu, qu'elle est désagréable... etc.
Moi qui sentais tout le contraire j'avais bien envie de me défendre, heureusement il me vint une idée lumineuse, je me dis que certainement si je commençais à me justifier, je n'allais pas pouvoir garder la paix de mon âme, je sentais aussi que je n'avais pas assez de vertu pour me laisser accuser sans rien dire, ma dernière planche de salut était donc la fuite.
Aussitôt pensé aussitôt fait, je partis sans tambour ni trompette, laissant la sœur continuer son discours qui ressemblait aux imprécations de Camille contre Rome.
Mon cœur battait si fort qu'il me fut impossible d'aller loin et je m'assis dans l'escalier pour jouir en paix des fruits de ma victoire.
Ce n'était pas là de la bravoure, n'est-ce pas, Mère chérie, mais je crois cependant qu'il vaut mieux ne pas s'exposer au combat lorsque la défaite est certaine ?"[1]
Saint Jean de la Croix
Saint Jean de la Croix parle ainsi de la progression spirituelle :
"L'âme ne se porte plus désormais à agir sous l’influence du goût et de la saveur qu’elle trouvait dans ses actions ; elle ne se meut que pour plaire à Dieu.
Elle n’a plus de présomption ni de satisfaction personnelle, comme elle en avait peut-être l’habitude au temps de la prospérité ; elle est devenue craintive et défiante d’elle-même ; elle ne cherche plus de satisfaction en elle-même ; aussi vit-elle dans cette crainte salutaire qui conserve et augmente les vertus."[2]
[1] Ms C, 14 v°-15r°
[2] Saint Jean de la Croix, Nuit obscure des sens, chapitre XIII
- sur ste Thérèse de Lisieux (1873-1897), Docteur de l’Église, dans l’Encyclopédie mariale
-sur la vie spirituelle carmélitaine, dans l’Encyclopédie mariale
Françoise Breynaert et l’équipe de MDN.