St Bonaventure philosophe (une réponse à Averroès)


 

L’œuvre philosophique d’Averroès, philosophe, théologien, juriste et médecin musulman  de langue arabe du XIIe siècle, fondée sur la philosophie aristotélicienne, a eu beaucoup d’importance en Europe occidentale, puisqu’elle a influencé certains philosophes médiévaux nommés  averroïstes, tels que Siger de Brabant, Boèce de Dacie, etc. L’averroïsme a été réfuté à la fois par le franciscain et docteur de l’Église saint Bonaventure (1221-1274), qui a notamment réaffirmé,  contrairement à ce qu’affirmait Averroes, la libre volonté humaine, et par saint Thomas d’Aquin lui-même, qui a rétabli la pensée d’Aristote, déformée par Averroès.

 

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Les deux courants philosophiques du XIIIe siècle

Les deux courants philosophiques du Moyen Age sont hérités de la philosophie antique. Comme l’explique Étienne Gilson[1],

« Deux courants d’idées dominaient au XIIIe siècle : le courant aristotélique (…) et le courant augustinien. »

Des philosophes tels qu’Averroès[2] et, au XIIIe siècle, saint Thomas d’Aquin, appartiennent au courant aristotélicien, tandis que saint Bonaventure a effectué une synthèse du courant augustinien, dont l’inspiration est platonicienne.

La philosophie de saint Bonaventure

Dieu

Saint Bonaventure s'inspire de l'« exemplarisme » qui est la doctrine d'inspiration platonicienne selon laquelle les perfections changeantes de ce monde sont expliquées par leur participation à une source idéale qui est réalise au suprême degré, en toute plénitude et pureté. Pour les philosophes chrétiens, ces modèles ou exemplaires sont toujours les Idées divines.

Saint Bonaventure explique que les Idées divines « informent » c'est-à-dire donnent la forme, comme un modèle justement. Et non seulement elles « informent » mais elles sont créatrices au sens strict, elles ont tiré l'univers du néant. Dieu est la cause de ses œuvres comme un artiste, par sa volonté délibérée.

L'homme

L'une des thèses de saint Bonaventure est de distinguer la matière corporelle et la matière spirituelle. La matière corporelle est source de quantité, mais aussi d'imperfection et de mort. La matière spirituelle est dominée par la forme qui la rend concrète. Dieu crée avec chaque humaine la matière spirituelle qu'elle doit informer.  Ainsi, à la résurrection, chaque âme garde avec elle sa portion de matière (spirituelle) sans troubler l'ordre du monde.

L’illumination morale

Une autre thèse de saint Bonaventure est que l'influence divine éclaire nos actions, il y a en nous une illumination morale, et elle communique à notre volonté une prédisposition à la vertu, des semences de vertu qu'il nous faut développer librement. Saint Bonaventure insiste beaucoup sur notre volonté, car en dernier ressort, c'est la volonté qui décide[3].

Une réfutation de l’averroïsme

Saint Bonaventure s'oppose donc à l'averroïsme sur plusieurs points.

En effet, alors que pour Averroès toute l'évolution des êtres est soumise à la nécessité physique des lois naturelles, saint Bonaventure affirma au contraire la libre volonté créatrice de Dieu, la libre volonté humaine et l’illumination morale, influence divine communiquée à notre volonté.

Alors que pour Averroès l'univers est éternel, saint Bonaventure pense qu'il y aurait contradiction à supposer les choses tirées du néant, mais en existant de toute éternité.

Alors que pour Averroès c'est l'espèce humaine qui est globalement éternelle, pour saint Bonaventure, chaque âme humaine ressuscite en gardant avec elle sa portion de matière spirituelle à laquelle elle a donné forme.

Source :

-Extraits de : F.-J. Thonnard, A.A., Précis d'histoire de la philosophie, Desclée, Paris, 1966, p. 288-405.

-Etienne Gilson. La philosophie au Moyen Age. Paris : Payot, 1988.

 

[1] Etienne Gilson. La philosophie au Moyen Age. Paris : Payot,

[2] Si Averroes a commenté Aristote, il a cependant transformé sa pensée, postulant l'éternité du monde, et déclarant que la faculté de penser chez l'homme n'est pas en soi personnelle. Saint Thomas d’Aquin, profondément aristotélicien, a lui même critiqué la théorie averroïste de l'intellect non personnel et restitué au plus près la pensée d'Aristote.

[3] Saint Bonaventure distingue six illuminations en cette vie, fruits de la lumière divine envoyée par Dieu le Père : « La lumière de l'Écriture Sainte, celle de la connaissance sensible, celle de l'habileté technique, celle de la philosophie rationnelle, celle de la philosophie naturelle, celle de la philosophie morale ». Ces six illuminations existent dans la vie d'ici-bas. Cf  saint Bonaventure, Les Six Illuminations de cette Vie (De Reductione Artium ad Theologiam, ).

 

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Pour en savoir plus

 

-sur saint Bonaventure, docteur de l’Église (1221-1274), dans l’Encyclopédie mariale

-sur Philosophes du Moyen Age (Avicenne et Averroès), Aristote et les philosophes chrétiens, dans l’Encyclopédie mariale

-sur les six illuminations de cette vie (saint Bonaventure), en ligne

 

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